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EMPIRE.

sur le territoire étranger. Il se plaça habilement entre Blucher, qui descendait la Marne, et Schwartzemberg, qui descendait la Seine ; il courut de l’une de ces armées à l’autre, et les battit tour à tour. Blucher fut écrasé à Champ-Aubert, à Montmirail, à Château-Thierry, à Vauchamps ; et lorsque son armée eut été détruite, Napoléon revint sur la Seine, culbuta les Autrichiens à Montereau, et les chassa devant lui. Ses combinaisons furent si fortes, son activité si grande et ses coups si sûrs, qu’il parut sur le point d’atteindre la désorganisation entière de ces deux formidables armées, et d’anéantir avec elles la coalition.

Mais, s’il était vainqueur partout où il se portait, l’ennemi gagnait du terrain partout où il n’était pas. Les Anglais étaient entrés dans Bordeaux, où un parti s’était prononcé pour la famille des Bourbons ; les Autrichiens occupaient Lyon ; l’armée de la Belgique s’était réunie aux débris de celle de Blucher, qui paraissait de nouveau sur les derrières de Napoléon. La défection s’introduisait dans sa propre famille, et Murat venait de répéter en Italie la conduite de Bernadotte, en accédant à la coalition. Les grands officiers de l’empire le servaient encore, mais mollement, et il ne retrouvait de l’ardeur et une fidélité à l’épreuve que dans les généraux inférieurs et dans ses infatigables soldats. Napoléon avait de nouveau marché sur Blucher, qui lui échappa trois fois : sur la gauche de la Marne, par une gelée subite qui raffermit les boues, au milieu desquelles les Prussiens s’étaient engagés et devaient périr ; sur l’Aisne, par la défection de Soissons, qui leur ouvrit un passage au moment où il ne leur restait pas une issue pour s’échapper ; à Craonne, par la faute du duc de Raguse, qui empêcha de livrer une bataille décisive, en se laissant enlever dans une surprise de nuit. Après tant de fatalités, qui déconcertaient ses plans, les plans les plus sûrs, Napoléon, mal soutenu de ses généraux, et débordé par la coalition, conçut le hardi dessein de se porter sur Saint-Dizier, pour fermer à l’ennemi la sortie de la France. Cette marche audacieuse et pleine de génie ébranla un instant les