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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

tandis que les armées repoussaient l’Europe, les partis se culbutèrent eux-mêmes dans les assemblées. L’intervention militaire fut plus tardive ; et Napoléon, trouvant les factions abattues et les croyances presque abandonnées, obtint de la nation une obéissance facile, et dirigea le gouvernement militaire contre l’Europe.

Cette différence de position influa beaucoup sur la conduite et le caractère de ces deux hommes extraordinaires. Napoléon disposant d’une force immense et d’une puissance non contestée, se livra en sécurité à ses vastes desseins et au rôle de conquérant, tandis que Cromwell, privé de l’assentiment qu’amène la fatigue populaire, sans cesse attaqué par les factions, fut réduit à les neutraliser les unes au moyen des autres, et à se montrer jusqu’au bout dictateur militaire des partis. L’un employa son génie à entreprendre, l’autre à résister ; aussi l’un eut la franchise et la décision de la force, et l’autre la ruse et l’hypocrisie de l’ambition combattue. Cette situation devait détruire leur domination. Toutes les dictatures sont passagères, et il est impossible, quelque grand et fort qu’on soit, de soumettre longtemps des partis, ou d’occuper longtemps des royaumes. C’est ce qui devait tôt ou tard amener la chute de Cromwell (s’il eût vécu plus longtemps) par les conspirations intérieures, et celle de Napoléon par le soulèvement de l’Europe. Tel est le sort des pouvoirs qui, nés de la liberté, ne se fondent plus sur elle.

En 1814, l’empire venait d’être détruit ; les partis de la révolution n’existaient plus depuis le 18 brumaire ; tous les gouvernements de cette période politique avaient été épuisés. Le sénat rappela l’ancienne famille royale. Déjà peu populaire par sa servilité passée, il se perdit dans l’opinion, en publiant une constitution assez libérale, mais qui plaçait sur la même ligne les pensions des sénateurs et les garanties de la nation. Le comte d’Artois, qui le premier avait quitté la France, vint le premier en qualité de lieutenant-général du royaume. Il signa, le 20 avril, la Convention de Paris, qui réduisit le territoire de la France à ses limites du 1er janvier 1792, et par laquelle