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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

de ces sentiments naturels au cœur de l’homme, tandis que le parti dont tous les vœux s’attachent au rétablissement d’un régime détruit, s’exalte par la pensée qu’il y a nécessairement conformité entre ses propres vœux et ceux des princes dont il bénit le retour ; de là, d’un côté, folles espérances, menaces imprudentes, projets téméraires ; et de l’autre, sombres inquiétudes, répugnances, désaffections et complots. Lorsqu’à ces ferments de troubles civils se joignent, dans l’esprit des peuples, des souvenirs d’humiliation inséparables de la restauration qui s’accomplit ; lorsque celle-ci se présente avec de grands désastres nationaux pour précurseurs, et avec les baïonnettes étrangères pour soutien, alors on peut dire, avant qu’aucune parole ait été prononcée, avant qu’une seule faute ait été commise, que d’immenses résistances se préparent, et que le péril est imminent. Telles furent les circonstances fâcheuses qui accompagnèrent en 1814 la restauration des Bourbons, et pas un des membres de cette famille n’avait encore touché le sol de la France, que déjà il était possible de mesurer les obstacles qu’ils auraient à vaincre, et les orages prêts à gronder sur leurs pas.

Le chef de la maison royale, Louis-Stanislas-Xavier, que le sénat appelait à régner sous le nom de Louis XVIII, était doué d’un esprit judicieux, et capable d’apprécier son époque. Il avait acquis dans sa jeunesse, comme comte de Provence, une certaine renommée, en se prononçant, à la seconde assemblée des notables, pour la double représentation du tiers état ; puis, dans l’émigration, il combattit la république, et protesta contre Napoléon, en revendiquant ses droits à la couronne. Repoussé du continent, il trouva un honorable asile en Angleterre, et vivait depuis longtemps retiré à Hartwell, avec quelques familiers, lorsque les désastres de nos armées lui ouvrirent le chemin du trône. Les membres de sa famille, Monsieur, comte d’Artois, son frère, les ducs d’Angoulême et de Berry, fils de Monsieur, enfin les deux princes de la maison de Condé, survivant à l’infortuné duc d’Enghien, ne s’étaient fait connaître que par leurs efforts impuissants pour