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Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/459

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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

triompher de la révolution à l’aide de la guerre civile et des armées étrangères. Seul, entre tous ceux de la maison de Bourbon, le duc d’Orléans, premier prince du sang, avait porté les couleurs nationales et combattu les ennemis de la France. Parmi les membres de la famille royale, on distinguait, l’illustre fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, unie au duc d’Angoulême, princesse digne, par l’élévation de son âme et par ses malheurs, d’un intérêt profond et universel, mais qui avait trop à oublier et trop à pardonner pour que la France la vît sans inquiétude remettre le pied sur son territoire.

M. le comte d’Artois précéda son frère, et fit, le 12 avril 1814, son entrée dans Paris, sous le titre de lieutenant-général du royaume. Des mots heureux et pleins de grâce disposèrent d’abord les esprits en sa faveur. Il n’y a rien de changé en France, disait-il aux Parisiens dans sa proclamation, il n’y a qu’un Français de plus. Cependant, lui-même donnait le signal d’une réaction politique, en substituant la cocarde et le drapeau blanc, depuis longtemps oubliés, aux glorieuses couleurs qui rappelaient tant de triomphes à la France.

Louis XVIII, reçu à Calais par le général Maison, suivit de près son frère. Cédant à l’influence de ses alentours, il refusa, par un sentiment d’orgueil mal entendu, d’accepter la constitution du sénat, accusant ce corps d’empiéter sur ses droits héréditaires. Éclairé néanmoins par les vives représentations de l’empereur Alexandre et de M. de Talleyrand, qui sut toujours, mieux que tout autre, pressentir, à chaque époque, les besoins et les vœux de la France, il se fit précéder dans la capitale par une déclaration célèbre, datée de Saint-Ouen : elle garantissait aux Français la jouissance des libertés promises par la constitution sénatoriale, et maintenait la plupart de ses clauses. Le lendemain, 3 mai, eut lieu dans Paris l’entrée solennelle du roi et de madame la duchesse d’Angoulême ; aucun soldat étranger ne parut dans le cortège royal ; la vieille garde escortait le monarque, et une grande partie de l’intérêt public se reporta sur ces braves guerriers, dont l’air triste et morne