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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

titude d’officiers vieillis dans ses rangs, et auxquels succédaient des hommes dont la naissance ou les services à l’étranger étaient le seul titre aux honneurs du commandement. Les nouveaux venus, remplis des souvenirs de l’ancienne monarchie, parlaient du blanc panache de Henri IV et des vertus chrétiennes de saint Louis à des hommes qui avaient suivi Napoléon dans toutes les capitales de l’Europe, mais qui, la plupart, ignoraient jusqu’au nom de saint Louis et de Henri IV. L’irritation et l’inquiétude agitaient toutes les classes dont les intérêts se liaient intimement à ceux de la révolution, et plusieurs partis se formaient presque également hostiles à la marche adoptée par le gouvernement. La reine Hortense, fille de l’impératrice Joséphine, et femme de Louis Bonaparte, était à Paris le centre et l’âme du parti impérialiste. Fouché, Grégoire, et les ex-directeurs Barras et Carnot dirigeaient la faction patriote qui rêvait la république ; on distinguait, en première ligne, dans les rangs des constitutionnels, Lafayette, Benjamin Constant, Lanjuinais, Boissy d’Anglas et de Broglie ; enfin le parti le plus dangereux de tous par sa puissance, celui qui fut désigné sous le nom d’ultra-royaliste, avait pour chef Monsieur, frère du roi ; les comtes de Blacas et de Vaublanc en étaient les membres les plus actifs, et ne cessaient, ainsi que Monsieur, de pousser Louis XVIII à des actes impopulaires et opposés à l’esprit de la charte comme aux inclinations personnelles du monarque.

Une active correspondance existait alors entre Paris et l’île d’Elbe, où Napoléon, l’œil sur la France, épiait avec joie toutes les fautes du pouvoir, tous les symptômes d’irritation populaire. Instruits des intrigues impérialistes, et pressentant un dénoûment funeste à la cause des patriotes, deux des chefs de ce parti, Barras et Fouché, tentèrent d’éclairer le gouvernement sur ses périls, et de lui imprimer une direction meilleure ; ils demandèrent, à l’insu l’un de l’autre, un entretien au roi. M. de Blacas, tout-puissant alors auprès de Louis XVIII, rappela, comme obstacle à cette entrevue, leur vote régicide, et ce fut lui qui reçut mission de les écouter.