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LES CENT JOURS.

Napoléon n’est plus qu’à quelques marches des Tuileries.

Les troupes de Paris ne répondent point au cri de Vive le roi ! Louis XVIII comprend leur silence, et cédant à la nécessité, il quitte précipitamment son palais dans la nuit du 19 au 20 mars ; il se rend à Lille, puis à Gand, où M. de Talleyrand ne tarde pas à le rejoindre, et où le suivent, avec ses fidèles serviteurs, tous ceux qui déguisent leur prudence sous l’apparence du dévouement.

Le 20 mars au soir, Napoléon rentrait dans la capitale sans avoir tiré un coup de fusil ; sa marche rapide n’avait été qu’un triomphe : et cependant jamais peut-être souverain, en ressaisissant une couronne, ne se trouva dans une situation plus critique que ne le fut Napoléon à son retour de l’île d’Elbe, durant cette époque si malheureusement célèbre sous le nom des cent jours. La France était épuisée, divisée en factions ; l’immense majorité des Français éclairés, satisfaits des promesses de la charte de Louis XVIII, qu’ils espéraient voir fidèlement accomplies, se souvenaient avec effroi du despotisme impérial : la guerre civile menaçait le Midi ; la redoutable Vendée s’agitait, les La Rochejacquelin, les Sapinaud, les d’Autichamp soulevaient le Bocage ; la classe ouvrière à Paris, à Lyon et dans d’autres villes faisait entendre des cris sinistres, qui rappelaient les plus sombres époques de la révolution ; l’Europe entière était encore en armes, et Murat échouait dans sa tentative de rendre la liberté à l’Italie. Le congrès de Vienne déclara Napoléon hors du droit public et social ; un million de soldats allait de nouveau fondre sur la France ; il fallait donc, à tout prix, que la victoire donnât, dans cette lutte gigantesque, au front couronné de Napoléon un nouveau baptême de sang humain.

L’armée presque seule avait rappelé son empereur, dont le retour était en effet l’œuvre des soldats bien plus que du peuple : en de telles circonstances une autorité à peu près sans limites eût été nécessaire au chef du gouvernement ; mais, contraint de trouver son appui là où était la force, Napoléon le chercha dans le parti patriote, et ce parti, qui nourrissait