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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

royaliste, qui voudraient les étendre, en faire revivre le goût et le souvenir[1]. » L’école libérale, au contraire, considère la liberté comme un droit inhérent à la nature humaine, et s’annonce comme donnant à ses théories pour base la raison, l’intérêt public, et la volonté générale. La première de ces deux écoles a surtout pour objet, lors même qu’elle invoque les libertés de la nation, d’étendre l’influence de l’aristocratie ; la seconde se propose, en restreignant cette influence dans d’étroites limites, de faire participer le plus grand nombre possible à l’exercice des droits politiques : de là répulsion naturelle et invincible entre les opinions fondamentales des royalistes et celles des libéraux, et peut-être était-il impossible qu’un ordre de choses stable se consolidât en France sous une dynastie liée par ses antécédents, par ses affections, par la reconnaissance même, aux hommes qui voulaient reconstruire l’avenir avec le passé, tandis que la nation, que cette dynastie gouvernait, repoussait leurs principes et adoptait presque tout entière le régime défendu et fondé par leurs adversaires. La lutte entre les hommes les plus violents des deux partis dura quinze ans et commença en 1815 : tous profitèrent de ce qui était obscur et mal défini dans la charte, les uns pour la détruire, les autres pour obtenir plus qu’elle ne promettait. Les royalistes eurent d’abord l’avantage. Il était impossible que le ministère Talleyrand se maintînt devant une chambre telle que les ressentiments suscités par les cent jours l’avaient composée, et le duc de Richelieu eut ordre de former un nouveau cabinet. Cet homme d’état, ami de l’empereur Alexandre, et dont la vie s’était presque toute écoulée à l’étranger, avait acquis dans son gouvernement d’Odessa une grande réputation administrative : il connaissait peu la France et le mode d’action propre au gouvernement représentatif ; mais il suppléa souvent à ce qui lui manquait en lumières par les inspirations d’une âme droite et généreuse. Il hâta la conclusion du traité qui précisait enfin les charges et les sacrifices

  1. L. de Carné, Vues sur l’histoire contemporaine.