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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

peu nombreux alors, comptait pourtant dans ses rangs plusieurs des hommes les plus instruits et les plus distingués de la France. Des élections faites suivant leurs vœux eussent assuré un triomphe durable aux constitutionnels ; mais les électeurs firent la faute énorme de céder aux suggestions des esprits violents et passionnés ; un grand nombre de leurs choix furent ouvertement hostiles aux Bourbons, et le nom du conventionnel Grégoire sortit de l’urne : le parti royaliste jeta un cri d’horreur, et repoussa M. Grégoire de la chambre. Alors sincèrement alarmé du résultat des élections et des exigences impérieuses des libéraux, persécuté par son frère et par sa famille, Louis XVIII résolut de modifier la loi électorale, et M. Decazes, regardant comme nécessaire ce qu’il avait jugé inutile et dangereux quelques mois auparavant, crut devoir servir les vues du prince, en s’éloignant de la gauche pour se rapprocher du côté droit. Ce revirement continuel, suivant les nécessités du moment, et auquel on donna le nom de bascule, souvent utile dans un roi, ne peut qu’être fatal à la réputation d’un ministre, sous un régime constitutionnel. Plusieurs des collègues de M. Decazes comprirent que, s’ils ne pouvaient plus persévérer dans leur ligne de conduite, ils devaient donner leur démission, et ils la donnèrent emportant avec eux l’estime publique : ce furent MM. Dessoles, Louis et Gouvion Saint-Cyr, que remplacèrent MM. Pasquier, Roy et Latour-Maubourg. M. Decazes forma ce nouveau cabinet, et eut le titre de président du conseil. Sa conduite, devenue indécise et flottante, irrita les libéraux sans lui concilier les royalistes. Ceux-ci ne ralentirent point contre lui leurs attaques, jusqu’à ce qu’un affreux événement leur eut permis de le renverser, et eut fait passer le pouvoir en leurs mains. Le duc de Berry fut frappé à mort dans la soirée du 13 février 1820, au sortir de l’Opéra, par un misérable nommé Louvel : il survécut peu d’heures à sa blessure, et expira dans les bras de la famille royale, en pardonnant à son assassin. Ce prince, doué de nobles qualités, et uni depuis peu d’années à une jeune princesse, petite-fille du roi de Naples, était regardé alors comme le der-