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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

pairs, qui demandait la réforme de la loi d’élection : il était urgent ou de dissoudre la première, ou d’ajouter à la seconde par de nouveaux choix. M. Decazes préféra ce dernier parti, et une ordonnance royale créa soixante-douze nouveaux pairs, choisis en grande partie parmi les hommes marquants de l’empire. Cette promotion, qui assurait la marche constitutionnelle du gouvernement, excita de violentes clameurs dans le parti royaliste. Le ministère n’en tint compte, et suivit quelque temps avec franchise et grande habileté la direction qu’il s’était tracée.

Déjà la France s’était honorée en abolissant la traite des noirs et l’odieux droit d’aubaine ; elle conquit, en 1819, la liberté de la presse périodique : le calme commençait à se rétablir à l’intérieur, l’étranger ne foulait plus notre sol. Le commerce, l’industrie, prenaient un prodigieux essor ; l’agriculture était florissante ; l’enseignement mutuel faisait des progrès rapides, et le crédit public renaissait : tout enfin permettait d’espérer un heureux avenir ; mais les partis étaient ardents et implacables ; les royalistes rejetaient toute alliance avec les constitutionnels sincères, et ne voulaient admettre aucune concession réellement libérale ; les libéraux, à leur tour, ne savaient point attendre, et compromettaient l’avenir pour s’assurer un triomphe éphémère. Déjà de graves dissentiments avaient éclaté entre le côté gauche et le ministère, au sujet des Français bannis sans jugement ; il s’agissait de solliciter du roi leur rappel : À l’égard des régicides, jamais ! s’était écrié M. de Serres du haut de la tribune, et ce mot avait profondément irrité le parti libéral. C’est alors qu’eurent lieu les élections de 1819, pour le renouvellement de la troisième série de la chambre. La plupart furent faites sous l’influence des libéraux : ceux-ci se partageaient en plusieurs partis, dont les plus remarquables étaient, celui des révolutionnaires, qui voulaient à tout prix renverser les Bourbons, et celui qu’on nomma le parti doctrinaire, et qui, en formulant son opinion d’après certaines théories abstraites et d’un ordre élevé, regardait le maintien de la dynastie comme nécessaire à celui de la charte. Ce parti,