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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

prétendirent avoir recouvré la plupart de leurs anciens droits, en ressaisissant leurs sceptres héréditaires. Ils ne virent plus enfin dans leurs peuples des auxiliaires, mais seulement des sujets ; ils aperçurent un danger dans les sentiments dont ils avaient naguère obtenu un puissant secours, et tous leurs efforts tendirent à triompher de ces dispositions libérales ou à les punir. C’est ainsi que Ferdinand VII ne parut être rentré en Espagne que pour châtier les hommes héroïques qui lui avaient conservé le trône. Il avait promis, non le maintien de la constitution rédigée par les cortès de Cadix, en 1812, et entachée des défauts de la constitution française de 1791, mais le don d’institutions libérales et en harmonie avec les progrès des lumières : cependant, à peine échappé de sa prison de Valençay, eut-il ceint la couronne, que, prêtant l’oreille aux conseils d’un clergé barbare et fanatique, il rétablit l’inquisition, régna six ans sans contrôle, et frappa comme un despote féroce et maniaque les hommes les plus distingués de son royaume, les Martinez de la Rosa, les Torreno, les Arguelles : il les entassa sous les roches brûlantes d’Afrique, et ses généreux défenseurs se retrouvèrent pêle-mêle dans les mêmes cachots avec les partisans du roi Joseph, qu’ils avaient combattus. L’armée, privée de ses plus nobles chefs, se souleva enfin contre cette odieuse tyrannie. L’île de Léon fut le premier théâtre de l’insurrection qui éclata, en janvier 1820, parmi les troupes destinées à soumettre les colonies espagnoles de l’Amérique du Sud : Quiroga et Riego en furent les principaux auteurs. La Catalogne se soulevait presque en même temps, à la voix de Mina ; déjà la Galice proclamait la constitution des cortès ; déjà l’insurrection gagnait successivement toutes les villes ; enfin, le comte d’Abisbal, chargé de combattre l’armée rebelle de l’île de Léon, arbora le même drapeau à Ocana : Madrid en accueillit la nouvelle avec enthousiasme, et Ferdinand n’eut d’autre alternative que d’abdiquer, ou de prêter serment à la constitution ; il jura de la maintenir : Arguelles, Torreno, Martinez de la Rosa, tirés des cachots, passèrent subitement des prisons d’Afrique au conseil du monarque, et,