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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

pour premiers actes de leur autorité, ils abolirent l’infâme inquisition et supprimèrent en Espagne l’ordre des jésuites. Le gouvernement était sans ressources, il décréta la vente des immenses possessions des moines, et dès lors soixante mille religieux, hommes d’intrigue et d’action, ameutèrent contre lui une populace ignorante et fanatique. Le contre-coup de ce vaste mouvement se fit sentir en Portugal : ce royaume, depuis la guerre et la fuite de la famille de Bragance, avait été soumis à une régence anglaise, qui le gouvernait comme une colonie des Îles Britanniques : les Portugais, réveillés par un sentiment national, chassèrent les autorités anglaises, et rappelèrent leur ancien souverain, Jean VI, qui laissa la régence du Brésil à son fils don Pedro, et revint régner sur ses anciens sujets, en acceptant une charte libérale rédigée sur le modèle de la constitution espagnole. L’Italie, frémissant sous le sceptre autrichien, était également agitée : partout s’organisaient des sociétés de francs-maçons et de carbonari, brûlant d’un même espoir, unies par le vœu d’affranchir un jour leur patrie du joug étranger, et de former des divers états de la Péninsule une fédération de républiques. Le royaume de Naples était en feu : Ferdinand IV avait recouvré, en 1815, le sceptre de cette contrée, où Murat, abordant les armes à la main, après la journée de Waterloo, avait été pris et fusillé. Le souvenir des réactions cruelles dirigées par la reine Caroline contre le parti patriote, indignait encore un peuple livré à tous les caprices de l’autorité arbitraire : là aussi des sociétés secrètes tendaient à une révolution politique ; le signal fut donné par l’armée, et partit de la ville de Nola. Le régiment de Bourbon sort de ses casernes, enseignes déployées, le 2 juillet 1820 au cri de Vive la constitution ! Deux autres régiments se joignent à lui ; les carbonari accourent en foule, et le général Guillaume Pépé soulève la capitale. À sa voix, le peuple investit le palais, et c’est la constitution des cortès espagnoles qu’il proclame : Ferdinand IV et son fils l’adoptent, et jurent de la maintenir : d’affreux massacres suivent cette révolution en Sicile.