Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
494
HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

feuille des relations étrangères, et le duc de Bellune, celui de la guerre. M. de Villèle exerçait déjà une grande autorité dans le conseil, et ne tarda point à en devenir le chef. Sa fortune avait été rapide : doué d’un grand talent pour l’intrigue et d’une capacité remarquable en affaires, il n’avait ni les hautes vues de l’homme d’état, ni la force de caractère suffisante pour échapper à l’influence d’une faction dont il déplorait l’aveuglement fatal ; en un mot, il crut pouvoir lutter, par la ruse et la corruption, contre les sympathies et les exigences morales et politiques d’un grand peuple. La congrégation comprit qu’elle le dominerait malgré lui, tandis que la nomination du pieux vicomte de Montmorency assurait son triomphe : ses affiliés envahirent aussitôt les emplois, et se saisirent des postes éminents de chaque ministère : dès lors le gouvernement et la chambre des députés marchèrent d’accord à la contre-révolution.

La France était en droit d’espérer que ceux qui venaient comme députés de défendre avec tant d’énergie la liberté de la presse, la respecteraient comme ministres ; et pourtant un des premiers actes du ministère fut d’enlever au jury le jugement des délits de la presse, et de frapper celle-ci de deux mesures qui ouvraient un vaste champ à l’arbitraire : l’une faisait consister un délit dans la tendance politique d’une suite d’articles, bien que chacun d’eux, pris isolément, ne fût point susceptible d’être incriminé ; l’autre permettait, en cas de circonstances graves, de rétablir la censure : cette loi, présentée en 1822, fut votée à une grande majorité.

Cependant les sociétés secrètes s’organisaient de toutes parts, et le carbonarisme étendait ses immenses ramifications dans le royaume par la création des ventes de divers degrés ; son esprit dangereux s’infiltrait rapidement au sein des écoles et de l’armée, et déjà une conspiration avait été découverte, en 1820, dans deux légions qui tenaient garnison à Paris. Les prévenus, jugés par la cour des pairs, avaient été pour la plupart acquittés. Le capitaine Nantil, auteur du complot, et condamné à mort, était en fuite. Des mouvements séditieux écla-