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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

quittèrent aussitôt Madrid ; celui de France, le général Lagarde, ne fut point encore rappelé ; M. de Châteaubriand avait remplacé M. de Montmorency aux affaires étrangères.

Le mouvement qui emportait le gouvernement français dans une voie contre-révolutionnaire, triompha des dispositions pacifiques de M. de Villèle. Louis XVIII, accablé par les infirmités encore plus que par l’âge, ne régnait plus que de nom : Monsieur gouvernait, et désirait la guerre : la chambre des députés marchait d’accord avec lui, et signala son zèle par des violences dans la discussion qui s’ouvrit sur le vote des subsides pour l’expédition. Elle rejeta de son sein Manuel, député de la Vendée, homme plus remarquable encore par son indomptable fermeté que par sa mâle éloquence. Au milieu d’un discours où la majorité crut reconnaître la justification du régicide, elle interrompit ce député par des cris de fureur, et vota son expulsion de la chambre ; Manuel déclara qu’il ne céderait qu’à la force ; le président Ravez appela les gardes nationaux du poste ; et le sergent Mercier, leur chef, s’étant refusé à exécuter l’arrêt, les gendarmes saisirent Manuel sur son banc, et l’entraînèrent hors de l’assemblée. Tout le côté gauche le suivit ; ses membres déclarèrent qu’ils se regardaient tous comme frappés et exclus dans la personne de Manuel.

Les crédits extraordinaires sollicités pour la campagne d’Espagne furent accordés, et dès lors la guerre parut inévitable ; une armée nombreuse se rassemblait déjà sur la frontière des Pyrénées ; le duc d’Angoulême en prit le commandement à la fin de mars, ayant sous lui le général Guilleminot, pour chef d’état-major. Rien n’était suffisamment préparé à son arrivée, ni pour les transports, ni pour les subsistances ; un banquier célèbre offrit de pourvoir à tout, comme munitionnaire général, et le prince signa, d’urgence avec lui, des marchés onéreux pour le trésor, et dans lesquels sa bonne foi fut indignement surprise. L’armée entra en campagne, le 6 avril, et, sur la frontière, au passage de la Bidassoa, elle rencontra un bataillon de réfugiés, portant le drapeau tricolore : des Français compromis dans les conspirations militaires, et, entre autres,