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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

remis entre les mains des prêtres. Ce mandement téméraire fut supprimé par le conseil d’état, d’après l’avis de M. Portalis ; il réveilla les anciennes querelles du clergé et de la magistrature, et, de ce jour, commença l’opposition des cours royales aux empiétements de la congrégation et aux exigences d’un cabinet qui semblait vouloir subordonner toutes les questions d’état à des intérêts de caste et de sacristie.

Le résultat des élections dépassa les espérances du parti royaliste : dix-neuf députés libéraux seulement furent élus ; mais ils luttèrent avec un talent et un courage dignes de la cause qu’ils défendaient : c’était alors celle de la France.

La première loi proposée eut pour but de rendre la chambre septennale, au mépris de l’article de la charte qui déclarait formellement que les députés ne seraient élus que pour cinq ans : l’objection fut écartée sous prétexte que cette disposition n’était point fondamentale, et les deux chambres adoptèrent la septennalité. M. de Villèle présenta ensuite l’important projet de la conversion des rentes, qui tendait à convertir l’intérêt de cent quarante millions de rentes cinq pour cent, en trois pour cent, au taux de soixante-quinze francs : des banquiers s’étaient engagés à fournir au trésor les fonds nécessaires pour rembourser au pair ceux des porteurs de rentes cinq pour cent qui ne consentiraient pas à l’échange proposé. Ils s’offraient en outre à prendre eux-mêmes, au taux fixé par la loi, les trois pour cent destinés aux porteurs non consentants. Ce projet, utile au gouvernement, mais qui blessait les intérêts de la classe nombreuse des rentiers, souleva de violents orages, quoique sa conception parût être étrangère à toute pensée politique. La chambre des députés l’adopta : il fut rejeté par la chambre des pairs, et l’opposition tacite de M. de Châteaubriand eut de l’influence sur ce vote[1]. M. de Villèle sollicita sur-le-champ la destitution de ce collègue importun, moins encore peut-être par ses divergences d’opinion que par

  1. Dans une récente publication, le Congrès de Vérone, M. de Châteaubriand a nié cette opposition de sa part au projet de la conversion des rentes.