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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

Le roi touchait au tombeau : le dimanche, 10 septembre, il ne reçut pas, et la nouvelle de son agonie se répandit dans la capitale : quelques jours plus tard il était sur son lit de mort, entouré des membres de sa famille. Il donna l’ordre à ses ministres de travailler avec son frère, et dans le dernier entretien qu’il eut avec Monsieur, il lui dit : « J’ai louvoyé entre les partis comme Henri IV, et j’ai par dessus lui que je meurs dans mon lit aux Tuileries ; agissez comme je l’ai fait, et vous arriverez à cette fin de paix et de tranquillité. Je vous pardonne les chagrins que vous m’avez causés, par l’espérance que fait naître dans mon esprit votre conduite de roi. » Le vieux monarque appela ensuite sur tous les siens les bénédictions du ciel, et, posant les mains sur le duc de Bordeaux, faible et dernier rejeton de sa race, il dit d’une voix émue, en regardant son frère : Que Charles X ménage la couronne de cet enfant. Il rendit le dernier soupir après une longue agonie, et Charles X fut roi.

Depuis plusieurs années Louis XVIII ne marchait plus : atteint aux jambes de maux incurables et tourmenté par les douleurs de la goutte, il sentit, longtemps avant d’expirer, s’affaiblir ses facultés intellectuelles, et abandonna malgré lui la direction des affaires publiques à son frère. C’est à l’époque où finissait la guerre d’Espagne que la santé du roi éprouva la plus fâcheuse atteinte, et ce n’est point à lui qu’il faut attribuer les actes ministériels dont furent suivies les élections de 1824.

Louis XVIII ne fut pas exempt des préjugés puisés dans l’orgueil de son rang et dans une prédilection intime pour l’ordre de choses sous lequel il était né : mais il sut apprécier les besoins de la France, et la charte, à laquelle il attacha son nom, a fondé parmi nous l’ère de la liberté politique. Ce monarque ne partageait point à l’égard de la religion les sentiments de la plupart des membres de sa famille ; cependant il accomplissait avec régularité certains actes extérieurs du culte : il aimait le cérémonial de l’ancienne monarchie, et la religion était pour lui, en quelque sorte, une affaire d’étiquette. Ce