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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

remplir toutes ses promesses, et taxaient sa conduite de trahison. Le ministère, à défaut de censure contre la presse, employa la corruption : il réussit à acheter plusieurs feuilles ; mais ses honteuses tentatives échouèrent à l’égard de la Quotidienne, et furent livrées au mépris public ; le Constitutionnel et le Courrier repoussèrent également la séduction. Déçu dans son espoir, le gouvernement eut recours aux dispositions de la loi qui permettaient d’incriminer la tendance des journaux ; il leur intenta plusieurs procès devant les cours royales, et, presque partout, la magistrature protégea la presse contre la haine de la cour, du cabinet et de la coterie congréganiste. Le ministère doubla l’irritation des magistrats, en blâmant leurs arrêts : la loi de 1822 permettait de rétablir la censure, dans le cas où des circonstances graves rendraient cette mesure nécessaire : la France était calme, aucun trouble à l’extérieur n’autorisait les ministres à recourir à cette disposition de la loi ; il leur plut de reconnaître un danger dans les arrêts d’acquittement prononcés par les cours royales ; ils rétablirent donc la censure, en se fondant sur cet unique motif, et se déclarant ainsi eux-mêmes en opposition directe avec la magistrature. La congrégation profita du silence forcé des journaux pour obtenir du gouvernement plusieurs actes favorables au clergé. Un ministère des affaires ecclésiastiques fut institué, on le confia à un évêque, à M. de Frayssinous, et l’on mit la direction de l’instruction publique au nombre de ses attributions. M. de Peyronnet réorganisa le conseil d’état sur des bases meilleures ; mais il accorda dans ce conseil plusieurs places aux dignitaires de l’Église.

À défaut de la presse périodique, une multitude d’écrits, et au premier rang, les éloquents pamphlets de Paul-Louis Courrier, et les chants patriotiques de Béranger, stigmatisaient avec énergie la marche du gouvernement et de la majorité ; tous, en appelant la haine et le mépris public sur les erreurs et les fautes du pouvoir, aidèrent à la chute d’un ministère qui trop souvent parut avoir pris à tâche de s’affaiblir et de se déconsidérer lui-même.