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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

que comme transfuge à Waterloo. MM. de Blacas et de Damas avaient eu la plus grande part à la formation de ce cabinet, et ce dernier venait d’être nommé gouverneur du duc de Bordeaux : la contre-révolution était ainsi ouvertement annoncée. Mais la France avait pris des forces dans le temps écoulé entre la fin du ministère de M. Villèle et la formation du nouveau ; Dieu avait permis qu’elle obtînt dans la loi de la presse et dans la loi électorale deux armes puissantes contre la tyrannie ; elle était en mesure de résister, et elle résista. Le 8 août, le char de la monarchie fut lancé sur une pente rapide, à l’extrémité de laquelle il fut englouti par l’abîme.

Aussitôt que les nouveaux ministres furent connus, le pays prit une attitude imposante, la presse passa tour à tour de la colère à la pitié, du dédain à la menace ; la société Aide-toi, le ciel t’aidera, préparait, en cas de dissolution de la chambre, la résistance par la voie électorale, et sur tous les points du royaume se forma une vaste association pour prévenir et combattre l’établissement redouté des taxes illégales. La cour ne vit, dans ces grands et formidables mouvements de l’esprit national, que les symptômes d’une conspiration, dont le but était le renversement du trône. Si l’on peut dire en effet qu’il y eût alors conspiration, c’était pour sauver la charte en péril, et c’était la France entière qui conspirait. En butte à une telle défiance, à des attaques aussi violentes, le conseil protestait toujours de son respect pour nos institutions. M. de la Bourdonnaie fut sacrifié par ses collègues à l’opinion publique, et le ministère, présidé par M. de Polignac, parut enfin devant les chambres. Charles X, en déployant pour la dernière fois, le 2 mars, toutes les pompes de la royauté, déclara, en présence des députés et des pairs réunis, sa ferme intention de maintenir également intactes nos institutions et les prérogatives de la couronne. L’adresse des députés, en réponse au discours du trône, respectueuse et pleine de mesure, signalait cependant au roi la composition de son nouveau ministère, comme dangereuse et menaçante pour les libertés publiques : deux cent vingt-et-un membres, contre cent quatre-vingt-un, votèrent