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RÈGNE DE CHARLES X.

cette adresse mémorable. Le roi en fut offensé, il se plaignit d’un refus de concours qu’elle n’exprimait pas, et termina en annonçant que ses résolutions étaient connues et seraient immuables. La chambre fut prorogée et ensuite dissoute. Le roi rendit l’ordonnance qui convoquait de nouveau les colléges électoraux : la France était préparée à répondre, et les deux cent vingt-et-un signataires de l’adresse furent réélus.

Cependant le conseil avait cherché à acquérir quelque popularité au moyen d’un succès militaire, et un affront fait au consul de France par le dey d’Alger offrit aux ministres une heureuse occasion de purger la mer des pirates barbaresques. Une expédition contre Alger fut ordonnée : M. de Bourmont eut le commandement de l’armée, l’amiral Duperré obtint celui de la flotte. La ville fut prise, et les courtisans accueillirent avec transport la nouvelle de cette brillante conquête ; mais le peuple ne s’associa point à leur joie ; il comprit que ce triomphe les enhardirait, et qu’il menaçait d’ôter aux libertés de la nation plus qu’il n’ajouterait à sa gloire.

La lutte politique approchait enfin de son terme : déjà le résultat général des élections était connu, et la volonté du pays n’avait pas été moins immuable que celle du monarque. Le cabinet allait se trouver en face d’une majorité plus compacte, plus impatiente et plus hostile. La plupart des membres de cette majorité ne voulaient pourtant pas la chute du trône : ils étaient sincèrement constitutionnels ; mais alors, comme en 1791, la cour, pour son malheur, ne sut point distinguer les constitutionnels des révolutionnaires radicaux ; elle s’obstinait à voir le danger, le fléau de la France dans la charte, qui était l’égide et le salut de la dynastie : être dévoué à la constitution, c’était, aux yeux de la cour, être ennemi du monarque : c’est ainsi que, refusant de prêter appui aux hommes qui voulaient la charte avec les Bourbons, elle les contraignit à s’appuyer sur ceux qui la voulaient sans les Bourbons, dont cette prévention déplorable et invincible précipita la chute. La dynastie penchait sur l’abîme ; elle était arrivée à ce point fatal où se manifestent les symptômes les plus infaillibles de la chute de tout gouver-