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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

closes, portant convocation pour le 3 août, furent envoyées aux membres des deux chambres. Quelques voix s’élevaient au conseil contre les dangers des mesures violentes et illégales ; mais le roi, interprétant tout refus comme un abandon au moment du danger, et ayant ainsi transformé la question d’état en question d’honneur, un dévouement déplorable fut seul écouté, et, le 28 juillet, le Moniteur publia un exposé de motifs rédigé par M. de Chantelauze, et suivi des fameuses ordonnances, signées de la veille, qui supprimaient la liberté de la presse, annulaient les dernières élections, et créaient un nouveau système électoral. Tous les ministres présents à Paris voulurent en partager la responsabilité : elles furent contre-signées prince de Polignac, Chantelauze, comte de Peyronnet, Montbel, Guernon de Ranville, baron Capelle, et baron d’Haussez. Le membre du conseil le plus capable d’ordonner les dispositions militaires indispensables pour en préparer l’exécution, Bourmont, ministre de la guerre, était encore en Afrique : le prince de Polignac le remplaçait, et telle était sa confiance au succès, qu’il ne crut devoir prendre aucune mesure extraordinaire pour l’assurer.

Un long et sourd frémissement répondit d’abord dans Paris à la publication des ordonnances, qui, en détruisant la charte, brisaient tout lien entre la nation et le trône. Le lendemain, un sentiment unanime électrisa les cœurs ; la multitude donna l’exemple d’une lutte héroïque, et l’élite de la population seconda ce mouvement. Mille barricades furent aussitôt improvisées, au cri de Vive la Charte ! et l’on abattit de toutes parts les emblèmes royaux, les insignes de la monarchie. Paris alors fut mis en état de siège : le maréchal Marmont, duc de Raguse, chargé du commandement en chef, dirigea les troupes contre la population insurgée ; mais Lafayette avait reparu au milieu d’elle, et sa main vénérée déployait encore une fois l’étendard tricolore ; la garde nationale, dissoute par Charles X, répondit à l’appel de l’illustre vétéran de la liberté, en se ralliant sous les couleurs populaires : chaque rue, chaque place, fut pour les Parisiens un glorieux champ de bataille :