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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

prévôt des marchands ; les fusils n’arrivaient pas, le soir approchait, on craignait pour la nuit une attaque de la part des troupes. On se crut trahi en apprenant que cinq milliers de poudre sortaient secrètement de Paris, et que le peuple des barrières venait de les arrêter. Mais bientôt des caisses arrivèrent, portant pour étiquette artillerie. Leur vue calma l’effervescence, on les escorta à l’Hôtel-de-Ville ; on crut qu’elles contenaient les fusils attendus de Charleville : on les ouvrit, et on les trouva remplies de vieux linge et de morceaux de bois. Alors le peuple cria à la trahison, il éclata en murmures et en menaces contre le comité et contre le prévôt des marchands. Celui-ci s’excusa, dit qu’il avait été trompé, et, pour gagner du temps, ou pour se débarrasser de la foule, il l’envoya aux Chartreux, afin d’y chercher des armes. Mais il n’y en avait point, et elle en revint plus défiante et plus furieuse. Le comité vit alors qu’il n’avait point d’autres ressources pour armer Paris, et pour guérir le peuple de ses soupçons, que de faire forger des piques ; il ordonna d’en fabriquer cinquante mille, et sur-le-champ on se mit à l’œuvre. Pour éviter les excès de la nuit précédente, la ville fut illuminée, et des patrouilles la parcoururent dans tous les sens.

Le lendemain, le peuple, qui n’avait pas pu trouver des armes la veille, vint en demander de très grand matin au comité, en lui reprochant les refus et les défaites de la veille. Le comité en avait fait chercher vainement ; il n’en était point venu de Charleville, on n’en avait point trouvé aux Chartreux, l’Arsenal même était vide.

Le peuple, qui ne se contentait ce jour-là d’aucune excuse, et qui se croyait de plus en plus trahi, se porta en masse vers l’hôtel des Invalides, qui contenait un dépôt d’armes considérable. Il ne montra aucune crainte des troupes établies au Champ-de-Mars, pénétra dans l’hôtel malgré les instances du gouverneur, M. de Sombreuil, trouva vingt-huit mille fusils cachés dans les caves, s’en empara, prit les sabres, les épées, les canons, et emporta toutes ces armes en triomphe. Les canons furent placés à l’entrée des faubourgs, au château des