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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

cour se disposait à réaliser ses desseins contre la capitale et contre l’assemblée. La nuit du 14 au 15 était fixée pour l’exécution. Le baron de Breteuil, chef du ministère, avait promis de relever, dans trois jours, l’autorité royale. Le commandant de l’armée réunie sous Paris, le maréchal de Broglie, avait reçu des pouvoirs illimités de toute espèce. Le 15, la déclaration du 23 juin devait être renouvelée, et le roi, après avoir forcé l’assemblée à l’accepter, devait la dissoudre. Quarante mille exemplaires de cette déclaration étaient prêts pour être répandus dans tout le royaume ; et, afin de subvenir aux besoins pressants du trésor, on avait fabriqué pour plus de cent millions de billets d’état. Le mouvement de Paris, loin de contrarier la cour, favorisait ses vues. Jusqu’au dernier moment elle le considéra comme une émeute passagère, facile à réprimer ; elle ne croyait ni à sa persévérance, ni à sa réussite, et il ne lui paraissait pas possible qu’une ville de bourgeois pût résister à une armée.

L’assemblée connaissait tous ces projets. Depuis deux jours, elle siégeait continuellement au milieu des inquiétudes et des alarmes. Elle ignorait une grande partie de ce qui se passait à Paris. Tantôt on annonçait que l’insurrection était générale et que Paris marchait sur Versailles, tantôt que les troupes se mettaient en mouvement contre la capitale. On croyait entendre le canon, et l’on plaçait l’oreille à terre pour s’en assurer. Le 14 au soir, on annonça que le roi devait partir pendant la nuit, et que l’assemblée était laissée à la merci des régiments étrangers. Cette dernière crainte n’était pas sans fondement ; une voiture était constamment attelée, et depuis plusieurs jours les gardes-du-corps ne quittaient pas leurs bottes. D’ailleurs, à l’Orangerie, il s’était passé des scènes vraiment alarmantes : on avait préparé, par des distributions de vin et des encouragements, les troupes étrangères à leur expédition. Tout portait à croire que le moment décisif était venu.

Malgré l’approche et le redoublement du danger, l’assemblée se montrait inébranlable, et poursuivait ses premières résolutions. Mirabeau, qui le premier avait demandé le renvoi des