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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

troupes, provoqua une nouvelle députation. Elle venait de partir, lorsqu’un député, le vicomte de Noailles, arrivant de Paris, fit part à l’assemblée des progrès de l’insurrection, annonça le pillage des Invalides, l’armement du peuple et le siége de la Bastille. Un autre député, Wimpfen, vint ajouter à ce récit, celui des dangers personnels qu’il avait courus, et assura que la fureur du peuple allait en croissant avec ses périls. L’assemblée proposa d’établir des courriers pour avoir des nouvelles toutes les demi-heures.

Sur ces entrefaites, deux électeurs, MM. Ganilh et Bancal-des-Issarts, envoyés par le comité de l’Hôtel-de-Ville en députation auprès de l’assemblée, lui confirmèrent tout ce qu’elle venait d’apprendre. Ils lui firent part des arrêtés que les électeurs avaient pris pour le bon ordre et la défense de la capitale ; ils annoncèrent les malheurs arrivés au pied de la Bastille, l’inutilité des députations auprès du gouverneur, et ils dirent que le feu de la garnison avait jonché de morts les environs de la forteresse. À ce récit, un cri d’indignation s’éleva dans l’assemblée, et l’on envoya sur-le-champ une seconde députation pour porter au roi ces douloureuses nouvelles. La première revenait avec une réponse peu satisfaisante ; il était dix heures du soir. Le roi, en apprenant ces désastreux événements, qui en présageaient de plus grands encore, parut touché. Il luttait contre le parti qu’on lui avait fait prendre. « Vous déchirez de plus en plus mon cœur, dit-il aux députés, par le récit que vous me faites des malheurs de Paris. Il n’est pas possible de croire que les ordres qui ont été donnés aux troupes en soient la cause. Vous savez la réponse que j’ai faite à votre précédente députation, je n’ai rien à y ajouter. » Cette réponse consistait dans la promesse d’éloigner de Paris les troupes du Champ-de-Mars, et dans l’ordre donné à des officiers-généraux de se mettre à la tête de la garde bourgeoise pour la diriger. De pareilles mesures n’étaient pas suffisantes pour remédier à la situation dangereuse dans laquelle on était placé ; aussi l’assemblée n’en fut ni satisfaite, ni rassurée.

Peu de temps après, les députés d’Ormesson et Duport