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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

blesse, et s’était montré depuis l’un des plus zélés partisans de la révolution.

Les deux nouveaux magistrats allèrent, le 27, recevoir le roi à la tête de la municipalité et de la garde parisienne. « Sire, lui dit Bailly, j’apporte à Votre Majesté les clefs de sa bonne ville de Paris : ce sont les mêmes qui ont été présentées à Henri IV ; il avait reconquis son peuple ; ici, le peuple a reconquis son roi. » De la place Louis XV à l’Hôtel-de-Ville, le roi traversa une haie de garde nationale placée sur trois ou quatre rangs, armée de fusils, de piques, de lances, de faux et de bâtons. Les visages avaient encore quelque chose de sombre, et on ne faisait entendre que le cri souvent répété de Vive la nation ! Mais quand Louis XVI fut descendu de voiture, qu’il eut reçu des mains de Bailly la cocarde tricolore, et que sans gardes, entouré de la foule, il fut entré avec confiance dans l’Hôtel-de-Ville, des applaudissements et des cris de Vive le roi ! éclatèrent de toutes parts. La réconciliation fut entière : Louis XVI reçut les plus grands témoignages d’affection. Après avoir sanctionné les nouvelles magistratures, et approuvé le choix du peuple, il repartit pour Versailles, où l’on n’était pas sans inquiétude sur son voyage à cause des troubles précédents. L’assemblée nationale l’attendait dans l’avenue de Paris ; elle l’accompagna jusqu’au château où la reine avec ses enfants vint se jeter dans ses bras.

Les ministres contre-révolutionnaires et tous les auteurs des desseins qui venaient de manquer, quittèrent la cour. Le comte d’Artois et ses deux fils, le prince de Condé, le prince de Conti, la famille Polignac, avec une suite nombreuse, sortirent de France. Ils allèrent s’établir à Turin, où le comte d’Artois et le prince de Condé furent bientôt rejoints par Calonne, qui se fit leur agent. C’est ainsi que commença la première émigration. Les princes émigrés ne tardèrent pas à provoquer la guerre civile dans le royaume et la formation d’une coalition européenne contre la France.

Necker revint en triomphe. Ce moment est le plus beau de sa vie, et il est peu d’hommes qui en aient eu de semblable.