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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

lieu que Maury ajoutait les erreurs de son esprit à celles qui étaient inséparables de sa cause.

Necker et le ministère avaient également un parti : mais il était moins nombreux que l’autre, parce qu’il était un parti modéré. La France était alors divisée en privilégiés qui s’opposaient à la révolution, et en hommes du peuple qui la voulaient entière. Il n’y avait pas encore place entre eux pour un parti médiateur. Necker était déclaré pour la constitution anglaise, et tous ceux qui partageaient son avis, par croyance ou par ambition, s’étaient ralliés à lui. De ce nombre étaient Mounier, esprit ferme, caractère inflexible, qui considérait ce système comme le type des gouvernements représentatifs ; Lally-Tollendal, tout aussi convaincu que lui, et plus persuasif ; Clermont-Tonnerre, l’ami et l’associé de Mounier et de Lally ; enfin, la minorité de la noblesse et une partie des évêques qui espéraient devenir membres de la chambre haute si les idées de Necker étaient adoptées.

Les chefs de ce parti, qu’on appela plus tard le parti des monarchiens, auraient voulu faire la révolution par accommodement, et introduire en France un gouvernement représentatif tout fait, celui d’Angleterre. À chaque époque, ils supplièrent ceux qui étaient les plus puissants de transiger avec les plus faibles. Avant le 14 juillet, ils demandaient à la cour et aux classes privilégiées de contenter les communes ; après, ils demandèrent aux communes de recevoir à composition la cour et les classes privilégiées. Ils pensaient qu’on devait conserver à chacun son action dans l’état, que des partis déplacés sont des partis mécontents, et qu’il faut leur créer une existence légale, sous peine de s’exposer à des luttes interminables de leur part. Mais ce qu’ils ne voyaient pas, c’était le peu d’à-propos de leurs idées dans un moment de passions exclusives. La lutte était commencée, la lutte qui devait faire triompher un système, et non amener un arrangement. C’était une victoire qui avait remplacé les trois ordres par une seule assemblée, et il était bien difficile de rompre l’unité de cette assemblée pour parvenir au gouvernement des deux