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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

droite de l’assemblée, furent en opposition constante avec lui excepté dans certains jours d’entraînement. Ces mécontents de la révolution, qui ne surent ni l’empêcher par leurs sacrifices, ni l’arrêter par leur adhésion, combattirent d’une manière systématique toutes ses réformes. Ils avaient pour principaux organes deux hommes qui n’étaient point parmi eux les premiers en naissance et en dignités, mais qui avaient la supériorité du talent. Maury et Cazalès représentèrent en quelque sorte, l’un le clergé, l’autre la noblesse.

Ces deux orateurs des privilégiés, suivant les intentions de leur parti, qui ne croyait pas à la durée des changements, cherchaient moins à se défendre qu’à protester ; et dans toutes leurs discussions ils eurent pour but, non d’instruire l’assemblée, mais de la déconsidérer. Chacun d’eux mit dans son rôle la tournure de son esprit et de son caractère : Maury fit de longues oraisons, Cazalès de vives sorties. Le premier conservait à la tribune ses habitudes de prédicateur et d’académicien : il discourait sur les matières législatives sans les comprendre, ne saisissant jamais le point véritable d’une question, ni même le point avantageux pour son parti ; montrant de l’audace, de l’érudition, de l’adresse, une facilité brillante et soutenue, mais jamais une conviction profonde, un jugement ferme, une éloquence véritable. L’abbé Maury parlait comme les soldats se battent. Nul ne savait contredire plus souvent et plus longtemps que lui, ni suppléer aux bonnes raisons par des citations ou des sophismes, et aux mouvements de l’âme par des formes oratoires. Quoique avec beaucoup de talent, il manquait de ce qui le vivifie, la vérité. Cazalès était l’opposé de Maury ; il avait un esprit prompt et droit ; son élocution était aussi facile, mais plus animée ; il y avait de la franchise dans ses mouvements, et les raisons qu’il donnait étaient toujours les meilleures. Nullement rhéteur, il prenait dans une question qui intéressait son parti le côté juste, et laissait à Maury le côté déclamatoire. Avec la netteté de ses vues, l’ardeur de son caractère, et le bon usage de son talent, il n’y avait de faux chez lui que ce qui appartenait à sa position ; au