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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

chefs, et qui, étant un peu en dehors du gouvernement, aspiraient à y entrer, il ne cessa pas d’appartenir à cette première époque de la révolution. Seulement il forma une espèce d’opposition démocratique dans la classe moyenne même, ne différant des chefs de celle-ci que sur des points de peu d’importance, et votant avec eux dans la plupart des questions. C’était plutôt entre ces hommes populaires une émulation de patriotisme, qu’une dissidence de parti.

Duport, dont la tête était forte, et qui avait acquis une expérience prématurée de la conduite des passions politiques dans les luttes que le parlement avait soutenues contre le ministère, et qu’il avait en grande partie dirigées, savait qu’un peuple se repose dès qu’il a conquis ses droits, et qu’il s’affaiblit dès qu’il se repose. Pour tenir en haleine ceux qui gouvernaient dans l’assemblée, dans la mairie, dans les milices ; pour empêcher l’action publique de se ralentir, et ne pas licencier le peuple, dont peut-être on aurait un jour besoin, il conçut et exécuta la fameuse confédération des clubs. Cette institution, comme tout ce qui imprime un grand mouvement à une nation, fit beaucoup de mal et beaucoup de bien. Elle entrava l’autorité légale lorsque celle-ci était suffisante ; mais aussi elle donna une énergie immense à la révolution, lorsque, attaquée de toutes parts, elle ne pouvait se sauver qu’au prix des plus violents efforts. Du reste, ses fondateurs n’avaient pas calculé toutes les suites de cette association. Elle était tout simplement pour eux un rouage qui devait entretenir ou remonter sans danger le mouvement de la machine publique, quand il tendrait à se ralentir ou à cesser ; ils ne crurent point travailler pour le profit de la multitude. Après la fuite de Varennes, ce parti étant devenu trop exigeant et trop redoutable, ils l’abandonnèrent et ils s’appuyèrent contre lui sur la masse de l’assemblée et sur la classe moyenne, dont la mort de Mirabeau avait laissé la direction vacante. À cette époque, il leur importait d’asseoir promptement la révolution constitutionnelle, car la prolonger, c’eût été conduire à la révolution républicaine.

La masse de l’assemblée, dont nous avons déjà parlé, abon-