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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

L’assemblée avait acquis la toute-puissance : les municipalités relevaient d’elle, les gardes nationales lui obéissaient. Elle s’était divisée en comités, pour faciliter ses travaux et pour y suffire. Le pouvoir royal, quoique existant de droit, était en quelque sorte suspendu, puisqu’il n’était point obéi, et l’assemblée avait dû suppléer à son action par la sienne propre. Aussi, indépendamment des comités chargés de la préparation de ses travaux, en avait-elle nommé d’autres qui pussent exercer une utile surveillance au dehors. Un comité des subsistances s’occupait des approvisionnements, objet si important dans une année de disette ; un comité des rapports correspondait avec les municipalités et les provinces ; un comité de recherches recevait les dénonciations contre les conspirateurs du 14 juillet. Mais le sujet spécial de son attention était les finances et la constitution que les crises passées avaient fait ajourner.

Après avoir pourvu momentanément aux besoins du trésor, l’assemblée, quoique devenue souveraine, consulta, par l’examen des cahiers, le vœu de ses commettants. Elle procéda ensuite dans ses établissements avec une méthode, une étendue et une liberté de discussion qui devaient procurer à la France une constitution conforme à la justice et à ses besoins. Les États-Unis d’Amérique, au moment de leur indépendance, avaient consacré dans une déclaration les droits de l’homme et ceux du citoyen. C’est toujours par là qu’on commence. Un peuple qui sort de l’asservissement éprouve le besoin de proclamer ses droits, avant même de fonder son gouvernement. Ceux des Français qui avaient assisté à cette révolution et qui coopéraient à la nôtre, proposèrent une déclaration semblable comme préambule de nos lois. Cela devait plaire à une assemblée de législateurs et de philosophes, qui n’était retenue par aucune limite, puisqu’il n’existait pas d’institutions, et qui se dirigeait d’après les idées primitives et fondamentales de la société, car elle était élève du dix-huitième siècle. Quoique cette déclaration ne contînt que des principes généraux, et qu’elle se bornât à exposer en maximes ce que la constitution devait mettre en lois, elle était propre à élever les âmes et à