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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

étaient les mêmes, décida le roi à se réduire à ce dernier et à se désister de l’autre. L’assemblée décréta que le refus de sanction du prince ne pourrait pas se prolonger au-delà de deux législatures, et cette décision satisfit tout le monde.

La cour profita de l’agitation de Paris pour réaliser d’autres projets. Depuis quelque temps on agissait sur l’esprit du roi. Il avait d’abord refusé de sanctionner les décrets du 4 août, quoiqu’ils fussent constituants, et qu’il ne pût dès lors que les promulguer. Après les avoir acceptés sur des observations de l’assemblée, il renouvelait les mêmes difficultés relativement à la déclaration des droits. Le but de la cour était de faire considérer Louis XVI comme opprimé par l’assemblée, et contraint de se soumettre à des mesures qu’il ne voulait pas accepter ; elle supportait impatiemment sa situation, et voulait ressaisir son ancienne autorité. La fuite était le seul moyen, et il fallait la légitimer ; on ne pouvait rien en présence de l’assemblée, et dans le voisinage de Paris. L’autorité royale avait échoué le 23 juin ; l’appareil militaire le 14 juillet ; il ne restait plus que la guerre civile. Comme il était difficile d’y décider le roi, on attendit le dernier moment pour l’entraîner à la fuite, et son incertitude fit manquer le plan. On devait se retirer à Metz auprès de Bouillé, au milieu de son armée, appeler de là, autour du monarque, la noblesse, les troupes restées fidèles, les parlements ; déclarer l’assemblée et Paris rebelles, les inviter à l’obéissance ou les y forcer ; et si l’on ne rétablissait pas l’ancien régime absolu, se borner au moins à la déclaration du 20 juin. D’un autre côté, si la cour avait intérêt à éloigner le roi de Versailles, afin qu’il pût entreprendre quelque chose, les partisans de la révolution avaient intérêt à le conduire à Paris : la faction d’Orléans, s’il en existait une, devait faire en sorte de pousser le roi à la fuite en l’intimidant, dans l’espoir que l’assemblée nommerait son chef lieutenant-général du royaume ; enfin le peuple, manquant de pain, devait espérer que le séjour du roi à Paris ferait cesser ou diminuer la disette. Toutes ces causes existant, il ne manquait plus qu’une occasion de soulèvement ; la cour la fournit.