Sous le prétexte de se mettre en garde contre les mouvements de Paris, elle appela des troupes à Versailles, doubla les gardes-du-corps de service, fit venir des dragons et le régiment de Flandre. Cet appareil de troupes donna lieu aux craintes les plus vives : on répandit le bruit d’un coup d’état contre-révolutionnaire, et l’on annonça comme prochaines la fuite du roi et la dissolution de l’assemblée. Au Luxembourg, au Palais-Royal, aux Champs-Élysées, on aperçut des uniformes inconnus, des cocardes noires ou jaunes ; les ennemis de la révolution montraient une joie qu’on ne leur voyait plus depuis quelque temps. La cour par sa conduite confirma les soupçons, et dévoila le but de tous ces préparatifs.
Les officiers du régiment de Flandre, reçus avec inquiétude par la ville de Versailles, furent fêtés au château, et on les admit même au jeu de la reine. On chercha à s’assurer de leur dévouement ; un repas de corps leur fut donné par les gardes du roi. Les officiers de dragons et de chasseurs qui se trouvaient à Versailles, ceux des gardes suisses, des cent-suisses, de la prévôté, et l’état-major de la garde nationale, y furent invités. On choisit pour lieu du festin la grande salle des spectacles, exclusivement destinée aux fêtes les plus solennelles de la cour, et qui, depuis le mariage du second frère du roi, ne s’était ouverte que pour l’empereur Joseph II. Les musiciens du roi eurent ordre d’assister à cette fête, la première que les gardes eussent encore donnée. Pendant le repas, on porta avec enthousiasme la santé de la famille royale ; celle de la nation fut omise ou rejetée. Au second service, les grenadiers de Flandre, les suisses et des dragons furent introduits, pour être témoins de ce spectacle, et participer aux sentiments qui animaient les convives. Les transports augmentaient d’un moment à l’autre. Tout d’un coup on annonce le roi, qui entre dans la salle du banquet en habit de chasse, suivi de la reine tenant le dauphin dans ses bras. Des acclamations d’amour et de dévouement se font entendre ; l’épée nue à la main, on boit à la santé de la famille royale ; et au moment où Louis XVI se retire, la musique joue l’air : Ô Richard ! ô mon roi ! l’uni-