Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

cri : À Versailles ! devint général. Les femmes partirent les premières sous la conduite de Maillard, un des volontaires de la Bastille. Le peuple, la garde nationale, les gardes-françaises demandaient à les suivre. Le commandant Lafayette s’opposa longtemps au départ, mais ce fut vainement, et ni ses efforts, ni sa popularité ne purent triompher de l’obstination de la multitude. Pendant sept heures, il la harangua et la retint. Enfin, impatiente de tant de retards, méconnaissant sa voix, elle allait se mettre en marche sans lui, lorsque, sentant que son devoir était de la conduire comme il avait été d’abord de l’arrêter, il obtint de la commune l’autorisation du départ, et il en donna le signal vers les sept heures du soir.

À Versailles, l’agitation était moins impétueuse, mais aussi réelle : la garde nationale et l’assemblée étaient inquiètes et irritées. Le double repas des gardes-du-corps, l’approbation que venait de lui donner la reine en disant : J’ai été enchantée de la journée de jeudi ; le refus du roi d’accepter simplement les droits de l’homme, ses temporisations concertées, et le défaut de subsistances, excitaient les alarmes des représentants du peuple et les remplissaient de soupçons. Pétion, ayant dénoncé les repas des gardes, fut sommé par un député royaliste de développer sa dénonciation, et de faire connaître les coupables. « Que l’on déclare expressément que tout ce qui n’est pas le roi est sujet et responsable, s’écria vivement Mirabeau, et je fournirai des preuves. » Ces paroles, qui désignaient la reine, forcèrent le côté droit au silence. Cette discussion hostile avait été précédée et fut suivie de discussions non moins animées sur le refus de sanction et sur la disette de Paris. Enfin, une députation venait d’être envoyée au roi, pour lui demander l’acceptation pure et simple des droits de l’homme, et pour le conjurer de hâter l’approvisionnement de la capitale de tout son pouvoir, lorsqu’on annonça l’arrivée des femmes conduites par Maillard.

Leur apparition inattendue, car elles avaient arrêté tous les courriers qui auraient pu l’annoncer, excita l’effroi de la cour. Les troupes de Versailles prirent les armes et entourèrent le