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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

château ; mais les dispositions des femmes n’étaient point hostiles. Maillard, leur chef, les avait décidées à se présenter en suppliantes, et c’est dans cette attitude qu’elles exposèrent successivement leurs griefs à l’assemblée et au roi. Aussi, les premières heures de cette tumultueuse soirée furent assez calmes. Mais il était impossible que des causes de trouble et d’hostilité ne survinssent pas entre cette troupe désordonnée et les gardes-du-corps, objet de tant d’irritation. Ceux-ci étaient placés dans la cour du château, en face de la garde nationale et du régiment de Flandre. L’intervalle qui les séparait était rempli de femmes et de volontaires de la Bastille. Au milieu de la confusion, suite inévitable d’un pareil rapprochement, une rixe s’engagea : ce fut le signal du désordre et du combat. Un officier des gardes frappa de son sabre un soldat parisien, et fut en retour atteint d’un coup de feu au bras. La garde nationale prit parti contre les gardes-du-corps ; la mêlée devint assez vive, et aurait été sanglante sans la nuit, le mauvais temps, et l’ordre que les gardes-du-corps reçurent d’abord de cesser le feu, puis de se retirer. Mais comme on les accusait d’avoir été les agresseurs, l’acharnement de la multitude fut quelque temps extrême ; elle fit une irruption dans leur hôtel : deux d’entre eux furent blessés, et un autre fut sauvé avec peine.

Pendant ce désordre, la cour était consternée, la fuite du roi était mise en délibération, des voitures étaient prêtes ; un piquet de la garde nationale les aperçut à la grille de l’Orangerie, et les fit rentrer après avoir fermé la grille. D’ailleurs le roi, soit qu’il eût ignoré jusque là les desseins de la cour, soit qu’il ne les crût plus praticables, refusa de s’évader. Des craintes se mêlaient à ses intentions pacifiques, lorsqu’il ne voulait pas repousser l’agression ou prendre la fuite. Vaincu, il redoutait le même sort que Charles Ier en Angleterre ; absent, il craignait que le duc d’Orléans n’obtînt la lieutenance du royaume. Mais sur ces entrefaites, la pluie, la fatigue, et l’inaction des gardes-du-corps, ralentirent la fureur de la multitude, et Lafayette arriva à la tête de l’armée parisienne.