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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

pas éloignées, et après avoir dispersé les assaillants et sauvé les gardes-du-corps, il se rendit précipitamment au château. Il le trouva déjà secouru par les grenadiers des gardes-françaises, qui, au premier bruit du tumulte, étaient accourus et avaient protégé les gardes-du-corps contre la furie des Parisiens. Mais la scène n’était point terminée ; la foule rassemblée dans la cour de marbre, sous le balcon du roi, le demandait à grands cris. Le roi parut : on demanda son départ pour Paris ; il promit d’y aller avec sa famille, et l’on couvrit cette nouvelle d’applaudissements. La reine était résolue à le suivre ; mais les préventions étaient si fortes contre elle que le voyage n’était pas sans danger ; il fallait la réconcilier avec la multitude. Lafayette lui proposa de l’accompagner au balcon ; après avoir hésité, elle s’y décida. Ils parurent ensemble, et pour se faire entendre d’un signe à cette foule tumultueuse, pour vaincre ses animosités, réveiller son enthousiasme, Lafayette baisa avec respect la main de la reine ; la foule répondit par ses acclamations. Il restait encore à faire la paix des gardes-du-corps. Lafayette s’avança avec un d’eux, plaça sur son drapeau sa propre cocarde tricolore, et l’embrassa à la vue du peuple, qui s’écria : Vivent les gardes-du-corps ! Ainsi finit cette scène ; la famille royale partit pour Paris, escortée par l’armée et par ses gardes mêlés avec elle.

L’insurrection des 5 et 6 octobre fut un vrai mouvement populaire. Il ne faut pas lui chercher des motifs secrets, ni l’attribuer à des ambitions cachées ; elle fut provoquée par les imprudences de la cour. Le repas des gardes-du-corps, des bruits de fuite, la crainte de la guerre civile, et la disette, portèrent seuls Paris sur Versailles. Si des instigateurs particuliers, ce que les recherches les plus intéressées ont laissé douteux, contribuèrent à produire le mouvement, ils n’en changèrent ni la direction ni le but. Cet événement eut pour résultat de détruire l’ancien régime de la cour ; il lui enleva sa garde, il la transporta de la résidence royale de Versailles dans la capitale de la révolution, et la plaça sous la surveillance du peuple.