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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Sa présence ramena la sécurité à la cour, et les réponses du roi à la députation de Paris satisfirent la multitude et l’armée. En peu de temps, l’activité de Lafayette, le bon esprit et la discipline de la garde parisienne rétablirent l’ordre partout. Le calme reparut. Cette foule de femmes et de volontaires, vaincue par lassitude, s’écoula ; et les gardes nationaux furent les uns commis à la défense du château, les autres reçus chez leurs frères d’armes de Versailles. La famille royale rassurée, après les alarmes et les fatigues de cette pénible nuit, se livra au repos vers deux heures du matin. À cinq heures, Lafayette, après avoir visité les postes extérieurs, qui avaient été confiés à sa garde, trouvant le service bien exécuté, la ville calme, la foule dispersée ou endormie, prit aussi quelques instants de sommeil.

Mais vers six heures, quelques hommes du peuple, plus exaltés que les autres, et éveillés plus tôt qu’eux, rôdaient autour du château. Ils trouvèrent une grille ouverte, avertirent leurs compagnons, et pénétrèrent par cette issue. Malheureusement, les postes intérieurs avaient été laissés aux gardes-du-corps, et refusés à l’armée parisienne. Ce fatal refus causa tous les malheurs de cette nuit. La garde intérieure n’avait pas même été doublée ; on avait à peine visité les grilles, et le service se faisait négligemment, comme en temps ordinaire. Ces hommes, agités de toutes les passions qui les avaient conduits à Versailles, aperçurent un garde-du-corps à une fenêtre, et l’assaillirent de leurs propos ; il tira sur eux et blessa un des leurs. Ils se précipitèrent alors sur les gardes-du-corps, qui défendirent le château pied à pied et se dévouèrent avec héroïsme ; l’un d’eux eut le temps d’avertir la reine, que menaçaient surtout les assaillants, et la reine s’enfuit à demi-nue auprès du roi. Le tumulte et les dangers étaient extrêmes dans le château.

Lafayette, averti de l’invasion de la demeure royale, monta à cheval, et se dirigea en toute hâte vers le lieu du danger. Il rencontra sur la place des gardes-du-corps entourés de furieux qui voulaient les massacrer. Il se jeta au milieu d’eux, appela à lui quelques gardes-françaises qui n’étaient