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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

ception. Il devenait inutile de recourir à la confiance publique qui refusait ses secours ; et en septembre, Necker avait proposé comme unique moyen, une contribution extraordinaire du quart du revenu, une fois payé. Chaque citoyen devait le fixer lui-même, en employant cette formule de serment si simple, et qui peint si bien ces premiers temps de loyauté et de patriotisme : Je déclare avec vérité.

Ce fut alors que Mirabeau fit décerner à Necker une véritable dictature financière. Il parla des besoins urgents de l’état, des travaux de l’assemblée qui ne lui permettaient pas de discuter le plan du ministre, et qui lui interdisaient d’en examiner un autre, de l’habileté de Necker qui promettait la réussite du sien ; et il pressa l’assemblée de se décharger sur lui de la responsabilité du succès, en l’adoptant de confiance. Comme les uns n’approuvaient pas les vues du ministre, comme les autres suspectaient les intentions de Mirabeau à son égard, il finit ce discours l’un des plus éloquents qu’il ait prononcés, en montrant la banqueroute menaçante, et en s’écriant : « Votez ce subside extraordinaire, et puisse-t-il être suffisant ! Votez-le, parce que si vous avez des doutes sur les moyens, vous n’en avez pas sur la nécessité et sur notre impuissance à le remplacer ; votez-le, parce que les circonstances publiques ne souffrent aucun retard, et que nous serions comptables de tout délai. Gardez-vous de demander du temps ; le malheur n’en accorde jamais... Hé ! messieurs, à propos d’une ridicule motion du Palais-Royal, d’une risible incursion qui n’eut jamais d’importance que dans les imaginations faibles, ou les desseins pervers de quelques hommes de mauvaise foi, vous avez entendu naguère ces mots forcenés : Catilina est aux portes de Rome, et l’on délibère ! Et, certes, il n’y avait autour de nous ni Catilina, ni périls, ni factions, ni Rome : mais aujourd’hui la banqueroute, la hideuse banqueroute est là ; elle menace de consumer vous, vos propriétés, votre honneur : et vous délibérez ! » Mirabeau avait entraîné l’assemblée ; et l’on avait voté la contribution patriotique au milieu des applaudissements universels.