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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

que d’anticipations, et la caisse d’escompte qui lui fournissait ses billets, commençant à perdre tout crédit, à cause de la grande quantité de ses émissions. Voici comment on en vint à bout, et de quelle manière on procéda à la nouvelle organisation financière. Les besoins de cette année et de l’année suivante exigeaient une vente de 400 millions de ces biens : pour la faciliter, la municipalité de Paris fit une soumission considérable, et les municipalités du royaume suivirent l’exemple de celle de Paris. Elles devaient remettre au trésor l’équivalent des biens qu’elles recevaient de l’état pour les vendre aux particuliers ; mais elles manquaient d’argent, et elles ne pouvaient pas en verser le prix, puisqu’elles n’avaient pas encore d’acheteurs. Que firent-elles alors ? elles fournirent des billets municipaux, destinés à rembourser les créanciers publics, jusqu’à ce qu’elles eussent acquis les fonds nécessaires pour retirer ces billets. Lorsqu’on en fut arrivé là, on comprit qu’au lieu de ces billets municipaux, il valait mieux créer des billets d’état qui eussent un cours forcé, et qui fissent fonction de monnaie ; c’était simplifier l’opération en la généralisant. Ainsi naquirent les assignats.

Cette découverte servit beaucoup la révolution et permit seule la vente des biens ecclésiastiques : les assignats, qui étaient un moyen d’acquittement pour l’état, devinrent un gage pour les créanciers. Ceux-ci, en les recevant, n’étaient point tenus de se payer en terres de ce qu’ils avaient fourni en numéraire. Mais tôt ou tard, les assignats devaient parvenir à des hommes disposés à les réaliser, et alors ils devaient être détruits en même temps que leur gage cessait. Afin qu’ils remplissent leur but, on exigea leur circulation forcée ; afin qu’ils fussent solides, on en limita la quantité à la valeur des biens qu’on mit en vente ; afin qu’ils ne tombassent point par un change trop subit, on leur fit porter intérêt ; l’assemblée voulut leur donner, dès l’instant même de leur émission, toute la consistance d’une monnaie. Elle espéra que le numéraire, enfoui par la défiance, reparaîtrait aussitôt, et que les assignats entreraient en concurrence avec lui. L’hypothèque les