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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

rendait aussi assurés et l’intérêt plus avantageux : mais cet intérêt, qui avait de grands inconvénients, disparut à la seconde émission. Tel fut le commencement de ce papier-monnaie émis avec tant de nécessité et de prudence, qui permit à la révolution l’accomplissement de si grandes choses, et qui fut décrédité par des causes qui tenaient moins à sa nature qu’à l’usage postérieur qu’on en fit.

Lorsque le clergé vit, par un décret du 29 décembre, l’administration de ses biens transférée aux municipalités, la vente de quatre cents millions qu’on allait en faire, la création d’un papier-monnaie qui facilitait son dépouillement et le rendait définitif, il n’oublia rien pour faire intervenir Dieu dans la cause de ses richesses. Il fit une dernière tentative : il offrit de réaliser en son nom l’emprunt des 400 millions, ce qui fut rejeté, parce qu’autrement on l’eût de nouveau reconnu propriétaire après avoir décidé qu’il ne l’était pas. Il chercha alors tous les moyens d’entraver les opérations des municipalités. Dans le midi, il souleva les catholiques contre les protestants ; dans la chaire, il alarma les consciences ; dans le confessionnal, il traita les ventes de sacrilèges, et à la tribune, il chercha à rendre suspects les sentiments de l’assemblée. Il fit naître, autant qu’il put, des questions religieuses, afin de la compromettre et de confondre la cause de son propre intérêt avec celle de la religion. Les abus et l’inutilité des vœux monastiques étaient à cette époque reconnus par tout le monde, même par le clergé. Lors de leur abolition le 13 février 1790, l’évêque de Nancy proposa incidemment et d’une manière perfide que la religion catholique eût seule un culte public. L’assemblée s’éleva contre les motifs qui avaient suggéré cette proposition, et elle passa outre. Mais la même proposition fut présentée de nouveau dans une autre séance ; et après les plus orageux débats, l’assemblée déclara que, par respect pour l’Être suprême et la religion catholique, la seule qui fût entretenue aux frais de l’état, elle ne croyait pas devoir prononcer sur la question qui lui était soumise.

Le clergé était dans ces dispositions, lorsque, dans les