Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/131

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vraies qu’ils peuvent, de se les former soigneusement, et de ne jamais les imposer aux autres sans être tout à fait sûrs d’avoir raison. Mais quand ils en sont sûrs (ainsi parlent nos adversaires), ce n’est point conscience mais poltronnerie de ne pas agir suivant leurs opinions et de laisser propager librement des doctrines qu’en conscience ils trouvent dangereuses pour le bien-être de l’humanité, soit dans ce monde, soit dans l’autre ; et tout cela parce que d’autres peuples, dans des temps moins éclairés, ont persécuté des opinions qu’on croit vraies aujourd’hui.

Nos adversaires ajoutent : on peut nous dire, prenons garde de tomber dans la même erreur.

Mais les gouvernements et les nations ont commis des méprises, à propos d’autres choses qu’on regarde comme des sujets sur lesquels l’autorité publique peut s’exercer en toute convenance ; ils ont levé de mauvais impôts, fait des guerres injustes. Devrions-nous donc ne plus lever aucune taxe, et ne plus faire de guerres, malgré n’importe quelle provocation ? Les hommes et les gouvernements doivent agir du mieux qu’ils peuvent. Il n’existe pas de certitude absolue, mais il y en a assez pour les besoins de la vie. Nous pouvons et devons affirmer que notre opinion est vraie pour la direction de notre conduite, et nous n’affirmons rien de plus en empêchant de pervertir la société par la propagation