Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Les siècles ne sont pas plus infaillibles que les individus, chaque siècle ayant professé beaucoup d’opinions que les siècles suivants ont estimées non seulement fausses, mais absurdes ; et il est également certain que beaucoup d’opinions aujourd’hui générales, seront rejetées par les siècles futurs, comme beaucoup d’opinions autrefois générales, sont rejetées par le siècle présent. L’objection qu’on fera probablement à cet argument, pourrait peut-être prendre la forme suivante. Il n’y a pas une plus grande prétention d’infaillibilité dans l’obstacle mis à la propagation de l’erreur que dans aucun autre acte de l’autorité. Le jugement est donné à l’humanité pour qu’elle s’en serve ; parce qu’on peut en faire mauvais usage, faut-il dire aux hommes qu’ils ne devraient pas s’en servir du tout ? En défendant ce qu’ils croyaient nuisible, ils ne prétendent pas être exempts d’erreur, ils ne font que remplir le devoir obligatoire pour eux (quoiqu’ils soient faillibles) d’agir suivant leur conviction consciencieuse. Si nous ne devions jamais agir d’après nos opinions, parce que nos opinions peuvent être fausses, nous négligerions de soigner tous nos intérêts, d’accomplir tous nos devoirs. Une objection applicable à toute conduite en général, ne peut pas être une objection solide, contre aucune conduite en particulier. C’est le devoir des gouvernements et des individus de se former les opinions les plus