Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/167

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l’élite plus de culture d’esprit, sinon plus de liberté, qu’à la masse. Par ce moyen, elle réussit à obtenir la sorte de supériorité intellectuelle que requiert son but ; car bien que la culture sans la liberté n’ait jamais fait un esprit étendu et libéral, on peut en obtenir néanmoins un habile nisi prius avocat d’une cause. Mais cette ressource est refusée aux pays professant le protestantisme, puisque les protestants soutiennent, du moins en théorie, que la responsabilité pour le choix d’une religion doit peser sur chacun et ne peut être rejetée sur les enseignants. D’ailleurs dans l’état présent du monde, il est impossible en pratique que les ouvrages lus par les gens instruits soient ignorés des autres. Si les instituteurs de l’humanité doivent être compétents sur tout ce qu’ils doivent savoir, on doit pouvoir tout écrire et tout publier librement.

Cependant si l’absence de libre discussion ne causait d’autre mal, lorsque les opinions reçues sont vraies, que de laisser les hommes dans l’ignorance des principes de ces opinions, on pourrait la regarder comme un mal non moral mais simplement intellectuel et n’affectant nullement la valeur des opinions, quant à leur influence sur le caractère. Le fait est pourtant que l’absence de discussion fait oublier non-seulement les principes mais trop souvent aussi le sens même de l’opinion. Les mots qui l’expriment cessent de suggérer des idées ou ne