Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/171

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le christianisme. J’entends ici par christianisme ce que tiennent pour tel toutes les églises et toutes les sectes : les maximes et les préceptes contenus dans le Nouveau-Testament. Tous les chrétiens professants les regardent comme sacrées et les acceptent comme lois. Cependant, et c’est la pure vérité, il n’y a peut-être pas un chrétien sur mille qui dirige ou qui juge sa conduite individuelle d’après ces lois. Le modèle auquel chacun d’eux s’en rapporte est la coutume de sa nation, de sa classe ou de sa secte religieuse. Il a ainsi d’un côté une collection de maximes morales que la sagesse divine, selon lui, a daigné lui transmettre comme règle de conduite, et de l’autre un ensemble de jugements et de pratiques habituelles qui s’accordent assez bien avec quelques-unes de ces maximes, moins bien avec quelques autres, qui sont directement opposées à d’autres encore, et qui forment en somme un compromis entre la croyance chrétienne et les intérêts et les suggestions de la vie mondaine. Au premier de ces modèles le chrétien donne son hommage, au deuxième son obéissance véritable.

Tous les chrétiens croyent que les pauvres, les humbles et tous ceux que le monde maltraite sont bien heureux, qu’il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux, qu’ils ne doivent pas juger de peur d’être jugés eux-mêmes, qu’ils ne