Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/240

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qui ne peut vivre avec une fortune ordinaire, qui ne peut s’interdire des satisfactions nuisibles, qui court au plaisir animal, y sacrifiant le sentiment et l’intelligence, doit s’attendre à être ravalée dans l’opinion des autres, et à posséder une moindre part de leur bienveillance. Mais de cela elle n’a pas le droit de se plaindre, à moins qu’elle n’ait mérité leur faveur par l’excellence particulière de ses relations sociales, et qu’elle ne se soit créé ainsi un titre à leurs bons offices, que n’affectent pas ses démérites envers elle-même.

Ce que je soutiens, c’est que les inconvénients strictement liés au jugement défavorable d’autrui sont les seuls auxquels doive être soumise une personne pour cette portion de sa conduite et de son caractère qui touche son propre bien, mais qui ne touche pas les intérêts des autres dans leurs relations avec elle. On doit traiter tout différemment les actes nuisibles aux autres. Si vous empiétez sur leurs droits, si vous leur faites subir une perte ou un dommage que ne justifient pas vos propres droits ; si vous usez de fausseté ou de duplicité à leur égard ; si vous vous servez contre eux d’avantages déloyaux ou simplement peu généreux, et même si vous vous abstenez par égoïsme de les préserver de quelque tort… vous méritez à juste titre la réprobation morale et dans des cas graves les animadversions et les punitions morales. Et non-seulement ces actes, mais