LA PENSION ROQUET
(Une multitude de bambins de cinq à douze ans rompent leurs rangs et se groupent autour d’un professeur maigre et râpé.)
Le pion. — Messieurs, vous avez deux heures, usez-en, mais n’en abusez pas ; que la sagesse préside à vos jeux.
Tous. — Oui, m’sieu.
Une voix. — Qui est-ce qui fait aux barres ?
Plusieurs voix. — Moi, moi, moi.
Le petit Bourgeois. — Moi aussi ; mais on ne ramasse pas les morts.
Le pion. — Monsieur Bourgeois ! faites-moi le plaisir de ne point courir l’épaule droite en avant, ainsi qu’un sanglier furieux et déchaîné.
Le petit Bourgeois. — Moi, m’sieu ?
Le pion. — Oui, vous.
Le petit Leprieur. — C’est une métaphore, ça, n’est-ce pas, m’sieu ? parce qu’on n’enchaîne pas les sangliers.
Le pion. — Leprieur, vous êtes coiffé du casque de l’audace, que surmontent encore le cimier de l’impudence et le panache de l’ineptie.
Trente voix (avec horreur). — Oh !
Le petit Gavinet. — M’sieu, Cuchet m’a pris mon képi, il ne veut pas me le rendre.
Le pion. — Il a le sien, c’est une superfétation.
Gavinet. — Je ne sais pas, m’sieu.
Le pion. — Cuchet ! pourquoi avez-vous pris le képi de Gavinet ?
Cuchet. — Au contraire, m’sieu, j’ai voulu le lui rendre ; c’est lui qui n’a pas voulu le reprendre.