Page:Millevoye - Goffin, 1812.djvu/3

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Par-tout la haine ardente et la froide amitié,
Et l’hypocrite orgueil affectant la pitié ;
Et déjà succédaient aux fleurs de sa jeunesse
Les fruits souvent amers de la triste sagesse.
 
Un jour que loin du monde égarant son ennui
Il fuyait, fatigué des hommes et de lui,
Près des murs que la Meuse embellit et partage,
Il s’arrêta. Debout sur un tertre sauvage,
Il mesurait de l’œil le ténébreux, séjour
Où l’homme, s’exilant de la clarté du jour,
Va puiser ces charbons dont l’utile bitume
En des forges sans nombre incessamment s’allume,
Et par qui l’industrie obtient d’un fer grossier
Le glaive protecteur et le soc nourricier.
Alors passe un vieillard : sur son front se déploie
Je ne sais quel mélange et de trouble et de joie ;
Il regarde le ciel, et son œil satisfait
Semble bénir le ciel de quelque grand bienfait.
L’étranger l’interroge ; et de la sombre voûte
Le vieillard en silence avec lui prend la route.
Il commence en ces mots le fidèle récit :

« Voyez-vous cet abîme où l’ombre s’épaissit ?