Page:Milliet - Une famile de républicains fouriéristes, 1915.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Que venez-vous troubler ses fêtes ?
Demeurez dans l'oubli, vaincus !
Taisez-vous, proscrits et poètes,
Cache ton glaive, ô Spartacus !
Tout est fini. La France entière
Courbe sa tête, jadis fière,
Devant les crimes triomphants,
Marâtre oublieuse et frivole,
Elle danse, comme une folle,
Sur la tombe de ses enfants.
Et je dis : Malheur, anathème,
À qui n'entend pas le tocsin !
Ô France, courtisane blême,
Demeure au bras de l'assassin.
Prodigue à ce hideux vampire
Et les perles de ton sourire,
Et l'or tressé de tes cheveux ;
Va, tu n'es plus qu'un corps sans âme,
Je te laisse avec ton infâme
Et je vous maudis tous les deux !

Le chœur
Que ta plainte amère
Meure sans échos,
Pour qui désespère
S'enfuit le repos.
Que la foi divine
S'allume en ton cœur !
Méprise l'épine,
Ne vois que la fleur.

Une jeune fille
La France a beau me traiter en marâtre,
Elle est ma mère, et devant sa douleur,
Je ressens mieux combien je l'idolâtre,
Et j'ai des vœux fervents pour son bonheur.
Oh, que bientôt cesse ton long martyre,
Pays aimé... Lorsqu'à mon avenir
Le bonheur rit de son plus doux sourire,
L'espoir me vient que tes maux vont finir.
[...]
Elle chantait encor quand, sur la plaine humide,
Le navire soudain a pris un vol rapide.
La terre disparaît, et, dans le bruit des flots,
S'éteignent les adieux, les chants... et les sanglots.


Si nous étions partis, notre fortune eût été probablement bien compromise. Les premiers émigrants au Texas, hommes pleins de dévouement, mais aussi d’illusions, n’étaient ni des agriculteurs, ni de bons ouvriers, ni d’habiles industriels. Les débuts de la colonie furent difficiles. Après de longues alternatives d’espérance et de découragement, l’affaire finit par sombrer. Il fallut renoncer à de beaux rêves, et ce fut pour nous une grande déception. Le lecteur verra par quels événements singuliers notre départ avait été retardé, et par quels miracles d’énergie madame de Tucé parvint à sauver une part importante de notre héritage. (i) Lorsque mon père nous lisait ces vers, sa voix s’altérait, des larmes lui montaient aux yeux et nous pleurions tous de voir pleurer cet homme si brave et si bon.