N'était-ce pas hier que, fillette candide,
Sur mes genoux assise et jouant ou rêvant,
Elle me regardait de son œil bleu, limpide.
Et faisait rayonner son sourire charmant ?
Mon Dieu ! Quel changement, quelle métamorphose !
Le mois de mai sourit et la fleur est éclose ;
L'oiseau quitte son nid pour voler au buisson.
Aujourd'hui jeune fille, et demain jeune femme...
Je la verrai partir ! On lui dira : Madame !
Oh, le triste moment ! Quel vide en la maison !
18 mai 1861.
2
A Paris Alix retrouva sa
chère Suzanne, mais élevée dans
un milieu littéraire et artistique la voici transplantée chez des
fabricants de bijouterie, dont les préoccupations sont uniquement
celles de leur industrie et de leur négoce. Elle est triste, et ses
lettres expriment naïvement ses
regrets. Eloignée des parents
quelle aimait, elle trouve pour
les remplacerl’affection profonde
d’un mari excellent qui l’adore,
et pourtant elle sent un grand
vide autour d’elle, elle est prise d’une sorte de nostalgie de la
famille.
Henri Payen, d’abord asso¬
cié à son père, désira s’établir à son compte pour avoir plus de
liberté. Bien jeune encore, il ne possédait peut-être pas les qualités nécessaires pour être le chef d’une importante fabrique. Excellent ouvrier et compositeur habile en bijouterie, il n’était pas administrateur.
Alix Milliet.
Alix à sa mère.
Octobre 61.
...Nous passons, Henri et moi. nos soirées bien gentiment tous les deux au coin du feu, à lire et à travailler en buvant notre thé. Nous sommes si bien dans notre petite chambre chaude ! Nous lisons Les Misérables ; je suis contente d’avoir enfin le dernier volume. Connais-tu le nouveau livre de Michelet, La Sorcière ? M. Glatou doit nous le prêter bientôt. On en parle beaucoup et c’est affiché partout. Nous avons commencé, avec Suzanne et son mari, une petite bourse de jeu. pour aller tous quatre voir le bal de l’Opéra cet hiver. On a retardé l’inauguration du boulevard, parce que. dit-on. il y avait un complot contre l’Empereur. Les bombes étaient cachées près de la fontaine qu’on vient de construire. Ce serait encore, à ce qu’il paraît, des Italiens. Alix à sa mère.
14 novembre 1861.
Sois tranquille, ma Bonti. je travaillerai mon anglais, mon allemand et mon italien. Je crois que je vais aussi commencer bientôt le piano. J’aimerais autant attendre un peu. car pour le moment nous ne roulons pas sur
CaOOQie