Page:Milliet - Une famile de républicains fouriéristes, 1915.djvu/33

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22 JUSQU’AU SEUIL DE L’EXTL Je ne me souviens pas de l’avoir jamais vue en colère, ni même maussade. Cette constante | sérénité d’humeur témoignait du rapport harmonieux qui unit la santé morale à la santé physique . dans une nature bien équilibrée. 1 Habituée dès son plus jeune «âge à soigner les malades, ma mère avait l’instinct de la I médecine. Combien de fois nous a-t-elle guéris ! Et son dévouement ne se limitait pas à l’égoïsme | familial. Dans une épidémie de choléra, elle fit preuve d’un grand courage, n’hésitant pas à porter X secours à ceux qui étaient frappés autour d’elle. ’ M. et madame Milliet passèrent gaiement leurs premières années de mariage. Le régiment, qui changea plusieurs fois de garnison, resta quelque temps à Pontivy, puis à Alençon. Louise dut aller faire ses couches au Mans, et la séparation parut bien cruelle aux deux jeunes gens. | Mon frère Fernand naquit en 1840. 1 Le séjour de la province n’offrait pas grand attrait à des esprits avides de liberté et de vie intellectuelle. Aussitôt qu’un fils lui est né, Félix songe à quitter le service :


PROJETS

Veux-tu nous faire une existence
Fraîche comme un beau jour d'avril.
Et que jamais ne recommence
Pour nous la douleur de l'exil ?

Dis-moi, veux-tu que loin du monde
Injuste, méchant et pervers.
Nos jours s'écoulent, comme l'onde
D'un ruisseau, sous des arbres verts ?

Viens avec moi dans ma patrie,
Où le soleil sourit toujours,
Douce compagne de ma vie,
Là, nous passerons d'heureux jours.

Et ne crains pas que je regrette
De n'entendre plus le clairon,
De ne plus voir mon épaulette
Briller au front d'un escadron ;

De ne pouvoir plus ceindre encore
Le reluisant sabre d'acier
Qui vient, avec un bruit sonore,
Battre les flancs de mon coursier.

Ah, sans regret je saurai dire
Aux armes mes derniers adieux,
Car ma gloire est dans ton sourire
Et mon bonheur est dans tes yeux.

Tout près du torrent qui s'épanche,
Non loin du Rhône aux grandes eaux.
Nous avons une maison blanche
Qui s'élève au pied des coteaux.

Tu ne seras pas châtelaine ;
Elle n'a ni donjon ni tour,
Mais elle domine la plaine
Et les villages d'alentour.

Mais dans cet asile modeste
Avec nous viendra le plaisir,
Et puis l'amour fera le reste,
Car l'amour sait tout embellir.