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38 JUSQU’AU SEUIL DE L’EXIL

« Je vous remercie, monsieur, de la charmante chanson que vous m’adresse^. Je vous ai dit chante^ et ce mot vous le répété^ de la façon la plus flatteuse pour moi. « J’ai une réponse bien simple à faire à vos couplets, double inspiration du cœur et de l’esprit. J’ai soixante-neuf ans. monsieur, et quand vous sere^ arrivé à cet âge. la raison qu’on a alors de se taire ne vous apparaîtra que trop clairement.

« Heureusement pour vous et pour vos amis, vous ave{ longtemps à chanter encore. Profites-en. monsieur, et conserve^ bon souvenir au vieux chansonnier qui vous prie de croire à sa considération bien cordiale. « Passy, 18 avril 1849. » Béranger.

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Nous ne donnons ici que quelques spécimens des nombreuses chansons composées par Félix Milliet. D’un bout à l’autre de ce recueil, ce sont les mêmes sentiments qui animent le poète : la haine de la tyrannie, la pitié pour ceux qui souffrent, l’aspiration vers une organisation plus équitable de la Société, la foi dans un avenir de paix et d’harmonie mondiale.


VIVRE LIBRE OU MOURIR

Air du Dieu des bonnes gens.

Républicains, la lutte recommence I

Déjà voyez tous nos blancs ennemis

Insolemment déplover sur la France

Leur labarum semé de fleurs de lis.

Cet étendard est celui de l’Eglise :

Le nôtre, amis, drapeau de l’avenir.

Déploie au vent cette noble devise :

Vivre libre ou mourir !

Pour raviver du Lion les blessures,

Lancez sur lui tous vos traits à la fois ! Le fier Lion méprise vos piqûres.

N’espérez pas le réduire aux abois.

Dans vos filets, s’il tomba par surprise, D’etïroi bientôt il vous fera pâlir.

En rugissant son antique devise :

Vivre libre ou mourir !

Avril 1849.


La Commission exécutive était alors composée de Lamartine, Arago, Ledru-Rollin, Marie et Garnier-Pagès, républicains timides, dont la politique ne répondait plus aux aspirations des démocrates et des socialistes. La misère était grande. On avait essayé d’y remédier par la création d’ateliers nationaux, où cent mille ouvriers presque inoccupés faisaient semblant de travailler. C’était une dangereuse armée de mécontents. Le 15 mai, une première émeute fut aisément réprimée ; on emprisonna Blanqui, Barbés et Raspail. Mais lorsque le Gouvernement licencia brusquement les ateliers nationaux, les ouvriers abandonnés sans ressources, s’insurgèrent. Ils ne furent vaincus qu’après une lutte sanglante. La cruelle répression qui suivit cette émeute arracha à Félix Milliet ce cri de pitié :


COURAGE ET FOI

Air nouveau de Madame Laure Magnin

Sur les pontons un prolétaire,
Courbé sous le poids des malheurs,
En songeant à sa vieille mère
Sentait ses yeux mouillés de pleurs.
Soudain, de sa lèvre pâlie
S'échappe ce cri plein de foi :
Liberté, rêve de ma vie.
Il est doux de souffrir pour toi.