Page:Milliet - Une famile de républicains fouriéristes, 1915.djvu/93

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Qu'ai-je donc fait ?... En songeant à la France,
Ma lyre, un jour, fut l'écho de mon cœur ;
Elle vibra l'hymne de la vengeance,
Elle maudit l'Empire et l'Empereur.
Mais, en pleurant sur la France asservie,
Ai-je forfait à l'hospitalité ?
Et cependant, chassé de l'Helvétie,
Je vais au loin chercher la liberté.

Puisqu'il le faut, adieu, belle Genève,
Avec regret je quitte ton ciel pur.
Adieu, Léman... j'ai fait plus d'un beau rêve.
Les yeux fixés sur ton limpide azur.
J'entrevoyais la divine Harmonie
De ses bienfaits comblant l'humanité.
Et cependant, chassé de l'Helvétie,
Je vais au loin chercher la liberté.

Et vous, amis, qui d'un destin funeste
Auriez voulu conjurer le pouvoir,
En vous quittant, l'espérance me reste ;
Au lieu d'adieu, je vous dis : Au revoir !
Car l'heure est proche où la démocratie
Luira pour tous, soleil de vérité ;
Lors je viendrai dans la belle Helvétie,
Chanter encor l'hymne de liberté.

(De Mayence à Cologne, à bord du ’

Gutcmberg. le 16 mai 1853. )


Félix Milliet à madame Milliet.

Cologne. 17 mai 1853.

... Je suis arrivé hier à Cologne et je comptais y séjourner jusqu’à la réception de ta lettre, mais ce matin un agent de police est venu me demander mon passeport, que j’ai exhibé. L’agent m’a invité à le suivre au bureau de la | police où l’on m’a renvoyé au bureau central. J’étais de retour à l’hôtel quand deux agents, dont l’un savait un peu de français, m’ont rapporté mon passeport en m’invitant très poliment à partir ce soir, et plus poliment encore à leur ouvrir ma malle, qu’ils ont visitée de tond en comble dans l’espoir d’y trouver quelques brochures ou papiers dangereux. Je n’ai pu m’empêcher de rire dans ma barbe, à deux reprises : la première, c’est lorsque ce brave agent a mis la main sur le volume des chansons de Désaugiers que tu avais placé dans ma malle ; il s’est mis à lire ce livre ( dangereux pendant plus de dix minutes. A peu près convaincu qu’il n’avait pas sous les veux une œuvre socialiste, il j a repris sa fouille, et juge de sa joie en découvrant... une boite de couleurs. Sa déception a été prompte et grande. « Vous êtes peintre ?// m’a-t-il dit. « — la. mein Herr. >/ Et voilà pourquoi je prends ce soir à huit heures le bateau a vapeur pour Dusseldorf, d’où je repartirai demain pour Rotterdam... Le temps me dure d’être à Londres, car c’est là seulement que je pourrai recevoir sans crainte de tes nouvelles et de celles de mes chers enfants, ainsi que de mes bons amis de Genève. *

Je n’ai guère l’esprit disposé à te parler des bords du Rhin qui sont pourtant très beaux. Je n’ai qu une । préoccupation sérieuse, c’est de pouvoir fixer approximativement l’époque où vous pourrez venir me rejoindre. Je la sens encore bien éloignée, mais qu’y faire ? J’ai bon courage et je t’aime de loin comme de près. J’engage les entants à bien travailler, je les embrasse tous trois. Adieu, chère femme, sois forte et aime-moi toujours comme je t’aime. i

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