Page:Milosz - Poèmes, 1929.djvu/132

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de ma perfection m’apparaît et me couronne. Toi qui es celui qui est, toi la loi, tu voulus être celui qui devient ; tu t’exaltas au-dessus de la loi. De ta plus humble idée, celle d’un rien, d’un extérieur, tu fis ta demeure ; tu y mis ton amour, afin qu’il t’appelât du dehors. Tu es vraiment celui qui donne sa lumière et son sang, Père, Fils, Esprit, je te salue. Que tout doré de mémoire de la cime de ma plus haute pensée à nouveau vers toi je prenne mon essor. Que dans ma vision du monde comme dans la tienne toute notion de rapport et de limite s’efface. Qu’il n’y ait plus ni fini ni infini. Que seul l’amour devenu lieu demeure.


II


Le Rien, unique contenant intelligible d’un univers libre et pur comme la pensée de Dieu, supérieur à toute notion de fini et d’infini, le Rien a été répudié par l’homme. Le soleil de la mémoire des origines s’éteint avec l’astre physique épouvanté par le spectacle de la crucifixion. La conscience adamique de la relation primordiale s’obscurcit. L’esprit humain est chassé de la lumière paradisiaque dont la transmutation s’effectue dans la sainte, sainte idée d’un extérieur, région lucide de l’exaltation, du sacrifice, de la charité, de la liberté ; de la liberté, bénie soit-elle. Le Roi murmure : Où est l’espace ? et sa cécité lui répond : L’espace est en moi, dans mes ténèbres sans commencement ni fin. Alors les nombres de la connaissance, de la beauté et de la paix, le Un céleste, merveilleux, merveilleux, hosanna in excelsis ; le Deux spirituel qui se transmue en lumière et sang, in unitate Spiritus Sancti ; le