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verène ou carcajou[1]. Ce remarquable animal n’est guère plus gros qu’un renard anglais ; son corps est long, ramassé pourtant et robuste, avec des jambes très-vigoureuses mais excessivement courtes. Il a de larges pieds armés de griffes puissantes et dont l’empreinte sur la neige a l’étendue du poing d’un homme. La longueur de son poil soyeux et la forme de sa tête le font ressembler à un barbet brun.

Pendant l’hiver, il se procure ses aliments en mettant à profit les travaux du trappeur. Il leur porte un tort si considérable, que les Indiens l’ont nommé le kekouaharkess ou le méchant. Rien ne le rebute. Jour et nuit, il cherche la piste d’un homme. Quand il l’a une fois trouvée, il ne l’abandonne plus. S’il arrive à un lac où la trace disparaisse, le wolverène galope sans repos tout autour, jusqu’à ce qu’il ait découvert l’endroit où elle rentre dans la forêt : il se remet alors à la suivre jusqu’à ce qu’elle le conduise à l’une des trappes de bois. Là, il évite la porte, s’ouvre promptement une entrée par derrière et se saisit impunément de l’amorce. La trappe contient-elle une proie ? Le wolverène l’attire à lui ; puis, avec une malveillance toute gratuite, il la frappe et la cache à quelque distance dans les buissons ou au sommet d’un haut sapin. Parfois il la dévore ; mais c’est que la faim le presse. Il détruit ainsi toute une série de trappes. Quand une fois un wolverène s’est établi sur la piste d’un trappeur, celui-ci n’a plus d’autres chances de succès que de changer son terrain de chasse et de se mettre à bâtir une nouvelle série de trappes. Il peut alors réussir à se procurer plusieurs fourrures avant que son adroit adversaire ait trouvé son nouvel établissement.

Quand les trappeurs racontent les traits de la ruse de cet animal, ils ne tarissent plus et peu s’en faut qu’ils ne lui accordent toute la réflexion de l’homme. Jamais on ne prend le

  1. C’est une espèce de blaireau. (Trad.)